• Raoul Follereau , apôtre des lépreux (2/2)

    L'élan est donné .

    Dans les mois qui suivent , Follereau sillonne tout le sud de la France et, en 1945 , plus de 15 000 personnes auront versé leur obole pour Adzopé au total 2 millions de francs

     

    La guerre terminée , Follereau multiplie les conférences et les appels à la radio . Bientôt le village d'Adzopé prend forme dans une clairière gagnée sur la fôret . Groupées autour de la clinique , les maisons des lépreux ont chacune leur potager , et l'on crée une crèche pour les enfants qu'on refuse d'arracher à leurs parents . Parlant de cette première réalisation , le grand naturaliste Jean Rostand dira que <<Follereau est l'un des rares poètes qui sachent transformer les beaux rêves en réalité>>.

     

    Follereau utilise aussi sa plume . Dans Mission de la France , un journal qu'il crée dés la fin de la guerre , ses éditoriaux trouvent en quelques mois 20 000 lecteurs enthousiastes qui , par des lettres et des dons , lui manifestent leur soutien .

     

    Encouragé par l'élan qui se dessine , Follereau élargit le combat . A Saigon , en 1951 , il découvre les lépreux enfermés dans un cimetière de Cholon , faubourg de la ville .Quelques jours pkus tard , il fait éclater son indignation devant l'empereur Bao-Daï . Celui-ci n'a , pour lui répondre , qu'un petit sourire désabusé .<< des lépreux , dit-il , icivous en verrez partout ! Alors , pourquoi pas au cimetière ? >>.

     

    Follereau n'obtiendra rien de l'empereur , mais deux jours plus tard , il crée à Saigon un comité d'assistance aux lépreux regroupant des religieuses , des médecins et les bonnes volontés de la ville . Un an plus tard , les occupants du cimetière seront transférés dans des locaux neufs .

     

    La honte qui tue .

    Partout où il passe , Raoul Follereau , souvent connu sous le simple nom de <<papa Raoul >>, entretient les rapports personnels les plus chaleureux avec ses protégés . <<Ce qu'il fallait , dit-il , c'était de redonner confiance en eux-mêmes .>>D'innombrables malades se terrent , en effet , aux premiers signes du mal , terrorisés à l'idée d'être rejetés d'une manière infammante par leur entourage . C'est en Amérique centrale , en 1953  , que Follereau rencontrera le cas le plus douloureux de <<lèpre honteuse >> . Un notable remarque un jour sur son corps des traces suspectes et appelle son médecin . Diagnostic de celui-ci  :<<C'est lalèpre>> Quelques jours plus tard , l"homme se jette par la fénêtre . En examinant le corps , un econd médecin découvre alors que le suicidé avait une banale maladie de peau . << Cet homme , conclut Follereau , n'est pas mort de la lèpre , mais d'avoir été lépreux .>>

     

    Une simple mention sur une carte d'identité est une cause de rejet . En 1954, pendant la guerre d'Indochine , un militaire écrit à Follereau qu'il va , à l'attaque comme tout le monde , mais qu'au repos tous ses camarades le fuient , car son livret matricule porte l'indication : <<né à la léproserie d'Accarouni (Guyane) .>>  Follereau va voir le président Auriol et obtient que la mention soit rectifiée en faisant remarquer qu'on écrit pas sur une carte d'identité <<né à l'hôpital Beaujon >>, mais <<né à Clichy>>.

     

    En 1956, Follereau arrive à Tahiti sur le même bateau que le général De Gaulle . Toute lapopulation de Papeete se presse pour accueillir l'homme du 18 juin , mais dans un coin du port 25 hommes et femmes se tiennent à l'écart: pensionnaires de la lproserie d'Orrofara , ils sont venus eux , attendre papa Raoul . Lorsqu'il apparaît à son tour sur la passerelle , une jeune fille au visage marqué par la maladie se détache du groupe et lui tend le traditionnel collier de bienvenue , mais , n'osant le lui passer elle-même autour du cou , elle attend que Follereau veuille bien le lui prendre des mains .

    <<Alors , qu'est-ce que tu attends ? >> lance Follereau qui lui ouvre les bras . La jeune fille hésite puis s'élance . A la suite , ses 24 compagnons , rayonnants , se précipitent pour être embrassés . La foule , jusque-là muette , se met à applaudir . C'est une grande victoire .

     

    Médicaments et dépistage .

      Le combat de Follereau est considérablement facilité par la découverte des sulfones . A peine plus coûteux que l'aspirine , les petits comprimés blancs mis au point , en 1948 , par une équipe de l'Institut Pasteur , commencent dès cette date à être expédiés par boîtes de 500 grammes vers les zones où la maladie est endémique . Certes , ils ne font pas repousser les pieds ou les mains perdus , mais ils stoppent l'évolution de la maladie et, si celle-ci est dépistée à temps , permettent même , en un ou deux ans de traitement régulier , de <<blanchir >> totalement le malade .

     

    Mais à quoi sert un médicament , aussi efficace soit-il , si les malades ne se font pas connaître ? La lèpre étant une maladie à évolution très lente , un porteur de bacilles peut très bien ne présenter aucun symptôme visible . Aussi était-il urgent d'organiser un dépistage systématique . Pour réunir les fnds nécessaires , Follereau crée , en 1953 , la fondation qui porte son nom . De 7 millions de francs la première année , les fonds recueillis atteignent 40 millions en 1959.

     

    Parallèlement , Follereau lance , en 1954, la journée mondiale des lépreux , ,qui vise à attirer l'attention du monde entier et à abolir les derniers tabous , les dernières craintes . En 1955, 150 stations de radio annoncent l'événement dans 60 pays . Dans tous les Etats africains , des hommes , des femmes , des enfants pénètrent pour la première fois dans une léproserie , les bras chargés de fleurs et de gâteaux  A Madagascar ,il fuat mettre en service un train spécial pour transporter les 2000  personnes qui se rendent de Tananarive à la léproserie de Mangarano . Aujourd'hui , dans beaucoup des 130 pays où elle a lieu , la journée des lépreux a été élevée au rang de fête nationale .

     

    L'action s'est peu à peu étendue et organisée . Il existe aujourd'hui en France 48 comités réunis dans le cadre de l'Association française des fondations Raoul Follereau (33, rue de dantzig , 75015 Paris) Celle-ci fait partie de l'ILEP (Fédération internationale des associations contre la lèpre , dont le siège est à Amiens ), qui regroupe 24 associations nationales , représentant 17 pays , l'ILEP subvient aux besoins d'environ 600 centres et a distribué , en 1975 60 millions de francs . La bataille engagée par le jeune journaliste il y a trente-quatre ans est réellement devenue universelle .

     

    Mais évidemment aux nombrs des malades guéris que se mesure la vraie victoire . D'après les huit médecins qui composent la commission médicale des fondations Raoul Follereau , 1 lépreux sur 5 est aujourd'hui soigné dans le monde . C'est dans les pays francophones d'Afrique que la lutte contre la lèpre est aujourd'hui plus efficace . En 1973, 2 254 354 personnes (2/5 de lapopulation) ont été visitées dans les 16 secteurs antilèpre de la Côte-d'Ivoire . On a décelé que 3785 nouveaux cas , contre 4280 en 1972 et 5440 en 1971 . Sur les 114  629 lèpreux connus , la moitié étaient en voie de guérison. Dans dix ans ,la maladie pourrait avoir totalement disparu du pays . Le même succès est à espérer au Tchad .

     

    La lutte continue .

    Dans le petit appartement où Raoul Follereau m'a reçu ,rue du Général Delestraint , à Paris , les souvenirs offerts par les lépreux du monde entier voisinent avec les gages d'amitié des personnalités les plus illustres : une petite tapisserie réalisée par un touareg, une photo dédicacée de Paul VI , une canne à pommeau d'ivoire offerte par le président Mobutu .

     

    A soixante-quatorze ans , l'apôtre des lépreux aurait droit à un repos mérité lui permettant de se souvenir avec fieté d'une vie bien rremplie , mais il en est incapable .<< certes , dit-il , nous n'en sommes plus au temps héroïques , mais il ne faudrait pas non plus se leurrer .>> Certains pays , devant les résultats déjà obtenus, ont tendance à ne plus ranger la lèpre au rang des priorités . Dans d'autres , où les progrès de la détection ont été moins sensibles que parmi les anciennes possessions françaises , elle n'a que très légérement reculé . Enfin , la population mondiale augmente constamment , et le nombre ds malades croît aussi .

     

    Lors de ma dernière visite à Follereau , le téléphone sonna dans son bureau : de passage à Paris , M Aly Cissé , alors ministre de la Santé de la république du Mali , demandait rendez-vous . En raccrochant , Follereau s'est tourné vers moi ;<<Voyez-vous , me dit-il , nous allons pour l'essentiel , parler de camionnettes , de vélomoteurs et de pirogues  .La lutte continue .>>   (souce : reader's digest . Avril 1976 , article de Jean-Marie Javron ) 


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