• Madame le Ministre de la Santé (1/2)

     

     

    Simone VeilAutorité

    Compétence

    Simplicité

    Alliées à un charme naturel indéniable , ont fait de Simone Veil

    la figure la plus populaire du gouvernement

     

    Bergen-Belsen , le 7 mai 1945 . Voici deux jours que les détenus du camp de la mort ont rassemblé ce qui leur restait de force pour faire un acceuil enthousiaste à leurs libérateurs .

    Maintenant , un officier britanique engage la conversation avec une déportée

    << avez -vous des enfants ? >> lui demande t'il

    << heu ...Quel âge me donnez-vous >> questionne à son tour le petit squelette qui flotte dans son uniforme rayé .

    L'officier réfléchit :

    << quarante ans ?>>

    La déportée Simone Jacob n'en avait que dix-huit.

     

    A quarante-neuf ans , simone Jacob , devenue Mme Veil , en paraît dix de moins .

    Ministre de la santé publique depuis mai 1974 - et première femme au gouvernement depuis Germaine Poinso- Chapuis en 1948 - , c'est à elle qu'est revenue la tâche redoutable de défendre devant l'assemblée nationale le dossier de l'avortement qui divisait le pays depuis des mois . Elle s'en acquitta avec une telle autorité que l'un de ses adversaires s'écria :

    << Simone Veil est le seul homme du gouvernement >>

    Voilà , rétorqua le nouveau ministre , une remarque typiquement misogyne .

    Simone Veil a rapidement conquis les français . Inconnue auparavant , elle obtenait , moins d'un an plus tard , 55% d'opinions favorables dansn sondage de popularité , dépassant ainsi toutes les vedettes de la vie politique .

     

    Certes , son charme personnel , son visage régulier aux grands yeux verts , son élégance discrète et son pas décidé lorsque les caméras la surprennent traversant la cour de l'Elisée ont compté pour beaucoup dans cette cote d'amour .

    Simone Veil plaît naturellement aux hommes et les femmes s'identifient à elle : madame le ministre est mére de trois garçons , grand-mère d'une peite fille et s'occupe elle-même de sa maison . 

     

    Mais il y a en elle autre chose , d'assez indéfinissable , que j'ai perçu dès que je l'ai rencontrée dans son vaste bureau du bâtiment qui habrite , avenue de Ségur , les 2500 fonctionnaires de son ministère . Peut-être est-ce cette sereine détermination émanant de ceux qui , un jour, ont touché le fond de la détresse humaine et s'en sont relevés .

     

    Quand je lui demande comment elle explique sa brusque popularité n d'une voix posée , elle me répond

    << Mon seul secret , c'est le goût de la vie , l'attrait des choses fondamentales >> .

     

    Elle eut une enfance heureuse . Son père , l'architecte André Jacob , second prix de Rome , avait ouvert son cabinet à Nice .

     

    Au lycée , les professeurs de Simone notent son caractère volontaire , voire indiscipliné. On la juge vive , intelligente et rebelle . Aux éclaireuses de France , on la totémise << lièvre agité >> 

     

    Et c'est la guerre . En 1940 , les Jacob se sont déclarés juifs comme l'exigeaient les autorités . Ils ne sont pas pratiquants et pensent d'abord à une simple formalité . Mais en 1942 les allemands déferlent sur la zone libre . Selon Adolf Eichman , 100 000 juifs français doivent être déportés. Les Jacob se dispercent , dorment chez des amis et changent souvent de domicile .

     

    En mars 1944, le lendemain de son baccalaréat , Simone est arrêtée dans la rue par la gestapo .Avec sa mère et sa soeur Milou , elle est envoyée à Auschwitz ; sa soeur denise , alors dans la résistance , sera arrêtée plus tard et envoyée à Ravenbrück . D'André Jacob et de son fils Jean arrêtés eux aussi ,on ne retrouvera jamais la trace .

     

    A Auschwitz, les plus faibles , enfants compris , sont immédiatement dirigés vers les chambres à gaz . On affecte Simone , le bras tatoué du n° 78651, à des travaux de terrassement sur la route de Cracovie . Sur ces treize mois de <<nuit et brouillard >> , Simone Veil , aujourd'hui encore , préfère garder le silence .

     

    une boulimie de vie . Après sa libération et un mois de convalescence en suisse , Simone est de retour en France . Ni sa mère , ni son père , ni son frère Jean ne reviendront . Dérisoire consolation : Simone apprend qu'elle a été reçue aux épreuves du baccalauréat présenté la veille de son arrestation . Puisque le sor en a décidé ainsi , elle s'inscrit à la faculté de droit et à l'école des sciences politiques . C'est là qu'elle rencontre Antoine Veil . En octobre 1946 , ils se marient , et, un an plus tard , Jean , leur premier enfant vient au monde . L'année suivante naît un second fils , Claude-Nicolas .

     

    C'est une véritable boulimie de vie . Dans lajournée , Simone potasse ses cours en berçant ses enfants . Le soir , les jeunes époux  (ils 'ont a eux deux que trente-neuf ans ! ) vont au restaurant , au cinéma  et dans ces boîtes devenues fameuses , où se retrouvent ceux que l'on appelait abusivement les <<existentialistes >> . En juin 1948, Simone passe brillament ses diplômes .

     

    Antoine , au sortir de l'école des sciences politiques , est envoyé à Wiesbaden , puis à Stuttgart . Sa famille l'accompagne . Puis il entre à l'école nationale d 'administration et devient inspecteur des finances . Entre-temps , ils ont eu un troisième fils Pierre-François . Simone se sent un peu à l'étroit dans ses taches de femme de haut fonctionnaire . Elle s'en acquite avec bonne grâce , mais rêve de devenir avocate .on mari l'en dissuadera en prétendant qu'une avocate est << trop  indépendante >>. Simone choisit alors la magistrature .

     

    Reçue cinquième au concours de la magistrature en 1956 , Simone entre à la chancellerie . Elle est affectée à la condition pénitencière . Elle ne tarde pas à s'y faire une réputation d'éfficacité , de conscience et d'ouverture aux incidences humaines de chaque décision . Le moindre doute est toujours résolu à l'avantage du détenu . On voit souvent Simone Veil dans les prisons et, pour certains , elle incarne la << nouvelle vague >> , elle passe aux Affaires civiles , et se spécialise dans les problèmes de l'adoption .

     

    Lorsque René Pleven accède au ministère de la justice en 1969, il remarque ses qualités et en fait sa conseillère technique . Elle l'accompagne à l'Assemblée nationale , observe , apprend , se fait connaître par la justesse de ses vues et la vivacité de ses reparties .Un an plus tard , Georges Pompidou la nomme secrétaire général du conseil supérieur de la magistrature .Et puis , en mai 1974 , Valéry Giscard d'Estaing et Jacques Chirac la choisissent parmi une quinzaine de <<ministrables>> , tous rompus à l'exercice du pouvoir , pour assurer les fonctions de ministre de la santé .

     

    La suite de cet article demain 

     

     

     


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