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Les infirmières, ces éternelles oubliées (1/2)
Jusqu'en 1877 , seules les religieuses s'occupaient des malades .
Le 1er mai 1900, une novice de 20 ans , Pauline Ledan , est envoyée avec quatorze autres religieuses à l'hôpital Pasteur (Paris) dirigé par le Dr Emile Roux . Celui-ci recherche du personnel jeune pour le former aux nouvelles méthodes mises au point par Louis Pasteur :
<< Au début , j'ai eu du mal à m'habituer , racontera Pauline , devenue soeur Laure . J'avais peur des malades , car ils souffraient beaucoup ... Je me disais : " Mon Dieu , je ne puis rester " ... Et puis je suis restée , ma mission était là .
<<Un jour , j'ai dû maîtriser un jeune homme qui avait une mauvaise scarlatine : il est mort le lendemain . Une autre fois , un malade m'a prise à la gorge et m'a plaquée contre le mur . J'ai crié, personne ne venait . J'étouffais ! Finalement , j'ai été délivrée par une soeur et un interne ...
<< Nous travaillons énormément à l'hôpital . C'était dur , mais nous avions une devise :"on va essayer" . C'est ce que j'ai fait pendant cinquante-six ans au service des malades : je l'ai quitté en 1956, j'avais 76 ans . Depuis , mon activité est de prier ...>> Ces lignes ont été écrites en 1980 . soeur Laure avait juste 100 ans . (elle est morte peu de temps après ). Elle était resté à l'hôpital Pasteur pendant quatre-vingts ans , exemple sans précédent d'une vie de religieuse hospitalière vouée tout entière à soigner <<ses>>malades .
Avec soeur Laure , disparaissait l'une des dernières <<religieuses infirmières >> qui, depuis des siècles , avaient institué des équipes soignantes au chevet des personnes hospitalisées . Elles ont cédé la place à de véritables professionnelles des soins que leurs niveaux d'études , sanctionnées par des diplômes techniques , rendait aptes à faire bénéficier les patients des progrès de la thérapeutique moderne .
A l'origine , la vocation des femmes à s'occuper des malades fut, sans aucun doute , d'inspiration religieuse et d'origine royale ou noble . Elle débuta avec l'essor du christianisme dans le bassin méditéranéen . A Byzance (Constantinople) , Placilla , veuve de l'empereur romain Théodore1er , mort en 395 apr. J-C , fut la première à ouvrir un <<asile de vieillesse pour les femmes pauvres >> , le <<gerocomion>>. Elle même et les dames de la cour impériale s'occupaient des pensionnaires , dans un esprit de dévouement et d'aide à son prochain . Inaugurée par Placilla , cette << charité mondaine >>, comme on l'appellera plus tard , eut de nombreuses imitatrices .
Dès son départ , la vocation des soignantes s'affirme donc religieuse , d'où la création , au cours des siècles , d'ordres féminins consacrés aux malades hospitalisés ou recevant des soins chez eux . Pourquoi des femmes et non des hommes , sauf de rares exceptions ? Deux raisons à cela :
Les femmes connaissent la douleur (celle de l'enfantement , celle, occasionnelle des règles ) et sont plus aptes à compatir à celle d'autrui . Et ne sont-elles pas plus croyantes , donc psychologiquement plus fortesd que les hommes devant la souffrance ?
Cette évidence , un modeste curé de Châtillon-les-Dombes , Vincent de Paul , l'a utilisée dès 1617 . Il fonde deux confréries de femmes , les dames de charité , recrutées parmi les nobles et les bourgeoises , et les filles de la charité , composées nde <<filles des champs d'humble extraction >>, maintenant , dans le dévouement ,cette distinction entre charité <<mondaine>> et charité populaire .
Le 23 novembre 1633 , il crée la première école d'infirmières que le monde est connue . Mais ce n'est qu'une ébauche de formation professionnelle , car la soeur infirmière ne connaît qu'une règle : obéir aveuglément au médecin ! En 1676 , les filles de la charité , les <<soeurs grises>> , comme on les appelle , servent dans plus de cinquante hôpitaux répartis dans le royaume .
Florence Nightingale
fonde en 1857 à Londres ,
La première école de
gardes malades
professionelles
destinée à former un
personnel qualifié
Quel est leur rôle ? D'abord , les taches domestiques . Elles doivent <<tenir les malades nets le plus possible , s'assurer qu'ils ont les pieds lavés , vider leurs bassins >> et leur servir trois repas par jour . Les soeurs grisent assurent aussi la propreté des salles <<en les arrosant et en les balayant au moins deux fois par jour >>.
Ensuite les soins . La soeur accompagnera le médecin au lit du malade <<aussi souvent qu'il y est obligé et qu'il est nécessaire >> ;<<elle fait prendre elle-même au malade les remèdes à l'heure prescrite et doit s'informer auprès des malades de l'effet des remèdes pour être en état de rendre compte aux médecins à la visite suivante >>; enfin , il est défendu <<de donner aucuns remèdes à moins qu'ils n'aient té ordonnés par les médecins >>.
Et quand il risque d'y avoir des accidents ? Suivons ce dialogue entre Vincent de Paul et une soeur grise :
<< Faut-il toujours obéir au médecin ? demandet-elle.
Oui ! il faut faire ses ordonnances
Mais , monsieur , s'il ordonne de saigner une personne qui s'en va mourrir ?...
il faut lui obéir et , dans ce cas, si vous voyez qu'il est arrivé un changement à la maladie du malade depiis que le médecin a ordonné la saignée , vous devez faire en sorte de l'en avertir ! >>
Ces règles de Vincent sont-elles observées ? Non , sans doute , car <<servant Jésus-Christ en la personne des malades >>, les soeurs imaginent des méthodes thérapeutiques que l'instruction rudimentaire délivrée par Vincent de Paul n'a pas prévues . Quant aux soins techniques (pansements, clystères, cautères )? ils sont délivrés par les éléves en chirurgie .
Cette description du travail des soeurs hospitalières du temps de Vincent de Paul serait incomplète si l'on ajoutait les recommandations que le prêtre a données à ses filles de charité : <<Elles n'oubliront pas de dire à leurs malades , de fois à autre , quelques bons mots pour les disposer à la patience , ou à faire une bonne confestion générale ou à bien mourrir ou bien vivre ... Il faut saluer les malades gaîment et charitablement .>> N'est-ce pas la préfiguration de l'aide psychologique que l'infirmière de nos jours peut apporter aux patients .
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