• Un ambulancier de Catsuf témoigne

    C'est dans le témoignage de cet ambulancier de la Catsuf  ( collectif ambulancier des transports sanitaires et d'urgences de France)   que l'ont peut se rendre compte de l'importance de cette profession toute comme les Sapeurs Pompiers et les membres des SAMU ...respect à vous tous Mmes et Mrs. !!

    On m'a souvent pris pour un illuminé, un espèce d'avant-gardiste arrogant, péteux, voir prétentieux..

    Lorsque je me bats au quotidien pour ce métier, je me heurte parfois très violemment à des personnes de tout horizon, des hommes, des femmes, qui finalement pensent en savoir plus sur notre quotidien que nous même, des personnes habitués, voir lobotomisés par la routine quotidienne et qui ne se rendent pas bien compte que lorsque l'on porte atteinte à mon métier, cela peut blesser très profondément..

    Je voudrais partager un exemple, que je pense ne pouvoir jamais oublier, afin que chacun et chacune se rappelle aussi que nous avons un rôle essentiel dans la vie des personnes que nous assistons, un rôle parfois éphémère, parfois court, parfois long, parfois intense, parfois routinier, mais un rôle qui a le mérite de devoir être tenu.

    Il y a environ 2 ans de cela, nous transportions un petit garçon de 9 ans, à la première prise en charge et alors que je ne connaissais rien de son histoire, j'ai agis en professionnel et demandé aux proches et à mes collègues que l'on me conte son douloureux passé.

    Ce petit garçon, jusqu'à ses 6 ans vivait comme la plupart des enfants de son âge, une maison un papa, une maman des frères des sœurs, un chien, une vie telle que vous pères et mères de famille qui me lisez trouvez totalement normale.

    Un jour de 2008, alors que toute la famille séjournait chez les grands parents, Thomas part jouer à courir avec le chien. Au bout de quelques minutes, ce sont ses parents qui ont ressenti cette terrible sensation, atroce, l'angoisse de l'instinct parental, ou est-il ?

    L'enfant avait échappé quelques secondes à peine à la vigilance de ses aïeux, ces fameuses quelques secondes qui transforment un paisible scénario de dimanche en famille, en un acte de théâtre horrifique.
    Thomas à voulu suivre le chien, sauf que le chien sait nager dans la piscine, pas lui....

    Resté en ACR pendant 15 minutes, le SMUR finira par le récupérer, oui mais voilà, il est polyhandicapé lourd, atteint d'insuffisance respiratoire sévère, tétraplégique avec une encéphalite due au manque d'oxygène..
    A partir de ce moment il ne saura faire que trois choses : sourire, regarder, et pleurer.

    Après la tristesse de l'histoire nous entrons en action, nous devions emmener ce petit bonhomme tous les lundi après midi en centre spécialisé, et le ramener chez ses parents le vendredi soir pour le weekend end, bien évidemment en Ambulance.

    Cela faisait déjà plusieurs années que l'entreprise le transportait, on savait plein de choses sur lui, pleins de petits gestes affectueux pour le faire sourire, on avait appris par exemple que l'hiver lorsqu'il fait nuit plus tôt, les marquages de l'ASSU forme sur le plafond de la cellule une ribambelle de fresque multi couleur avec l'aide des lampadaires extérieurs. On lui montrait et on lui abaissait légèrement le dossier pour qu'il puisse sourire en s'émerveillant, on savait aussi qu'il avait extrêmement peur des stimulis sonores trop intense, donc on ne claquait jamais les portières, idem avec les lumières, jamais d'ouverture brutale si le soleil risquait de s'engouffrer violemment dans la cellule.

    On savait aussi qu'il adorait la musique, en particulier qu'il prenait de grands sourire en écoutant "I'm Alive" de Céline Dion (clin d'œil du destin me direz vous), pour le carnaval il était transformé en chaton avec des moustaches peintes sur les joues etc. etc

    Pendant 2 ans je l'ai appelé "mon loulou" "mon Tomtom", on a eu le temps de le porter, de le transférer. Au bout d'un moment on savait très bien quand ça n'allait pas, rien qu'au regard, on savait quand il fallait l'aspirer, être vigilant et proche de lui.

    Un patient certes, mais ce genre de patient particulier, qui, lorsque vous terminez son transport, vous procure une vague de chaleur qui vous rend fier et honoré d'avoir apporté quelques minutes de bonheur dans sa vie.

    Nous avons aussi participé à notre manière au soutien à ses parents qui parfois étaient à bout, épuisés, attristés mais jamais désespérés, même si les années de Thomas étaient comptées.
    Nous l'emmenions toujours à 14H chaque lundi, et ce lundi là d'octobre 2013....

    La maman nous appelle, inquiète, Thomas n'est pas dans son état normal, le centre spécialisé recommande de le transporter vers eux plus tôt que prévu, le médecin l'attend.

    Alors je ne sais pas, vous savez comme moi que les parents d'enfants handicapés sont toujours moins alarmés facilement que d'autres, ils ont bien plus l'habitude et connaissent la pathologie de leur enfant....
    Pendant quelques secondes j'ai eu un pressentiment, je ne sais pas pourquoi mais la maman de Thomas inquiète, ça ce n'était pas normal, oh non.... ce n'était pas normal.

    Nous avons foncés avec l'ASSU, bleu, deux tons, appel au SAMU sur le trajet, pourtant nous n'avions aucun ordre d'intervention et aucune précision supplémentaire mais voilà, je ne sais pas, l'instinct professionnel peut-être ? Le fait que je sois l'ainé d'une famille nombreuse et que je n'ai que 30 ans, ai-je fais un transfert affectif ?

    Pas le temps de se poser ces questions, à notre arrivé les craintes sont confirmées, Thomas est au bord de l'ACR hypoxique, les constantes sont totalement cataclysmiques, il sue, il est bleu, il angoisse.

    Le SMUR nous rejoint, on a tous été pro jusqu'au bout, nous lui avons tenu la main, nous l'avons rassuré comme nous avons pu, je me suis approché, tout ce que je pouvais faire en tant qu'ambulancier avait été fait et le médecin SMUR lui chuchotais "j'aimerais vraiment que tu respires mieux Thomas..., vraiment"

    Les consignes sont données à ma collègue, il faut faire au plus vite, VRM devant pour ouvrir la route et foncer.

    Sur le trajet je vous avoue je me suis senti impuissant, à part lui tenir la main que pouvais-je faire de plus ? Je me suis rapproché et j'ai entonné la mélodie de "I'm alive", pourquoi faire ? j'en sais rien, il n'allait pas me répondre avec la CEPAP à pleine puissance sur le visage, alors j'ai entonné ça jusqu'à la réanimation pédiatrique.

    Le soir même je me suis dis "bon il nous à fait peur, on ira le voir demain, ils vont le requinquer comme d'habitude"

    Il n'y aura pas de lendemain, la maman nous annoncera le décès par sms.....
    Nous avons tous été choqués et nous n'avons pas hésités une seconde, nous avons enfilés nos plus belles tenues et tout l'effectif à assisté à ses funérailles, nous avons voulu être là, nous avons voulu jouer notre rôle jusqu'au bout et je crois que je n'oublierais jamais lorsque le prêtre tenait un discours au nom de Thomas et que dans l'énumération des personnes qu'il appréciait vous entendez :

    "Je voulais dire merci à mes ambulanciers, qui ont toujours tout fait pour prendre soin de moi, me faire rire, être proche.. Alors même que je les entendaient sans pouvoir leur répondre chaque fois dans l'ambulance, je riais, je riais très fort à l'intérieur, merci du fond du cœur"

    Le coup de masse définitif fut lorsque "I'm alive" de Céline Dion résonna dans l'église, et lorsque chaque ambulancier de ma boite, patron y compris jetterons une rose sur le cercueil dans la tombe....

    N'oubliez jamais que lorsque vous faites mal certaines choses, lorsque vous utilisez les mauvais termes, lorsque vous dénigrez le corps de métier par des propos insultants, lorsque vous critiquez les actions de celles et ceux qui respectent chaque jour les patients qu'ils transportent et qui se battent pour ce que nous sommes et non pour autre chose, vous insultez Thomas...

    Dans ce cas là n'oubliez jamais que Thomas et moi, ainsi que tous les ambulanciers de France, professionnels de santé, qui se battent au quotidien et qui exerçent dignement leur métier, on vous emmerde... et on vous emmerdera autant de temps qu'il le faudra.

    Emmanuel PIQUET-PELLORCE

    PS : Un grand merci aux parents de Thomas qui se reconnaîtront.

     


  • Commentaires

    1
    Mercredi 21 Janvier 2015 à 04:25

    bonjour, je suis très émue par ce récit. chapeau bas. Xiaotu Lapinousecool

    2
    Mercredi 21 Janvier 2015 à 08:03

    Chaque semaine les ambulanciers m'emmènent à l'hôpital et je dois dire que leur présence, leurs attentions, me sont d'un grand réconfort. Quand je suis trop fatiguée ils me soutiennent jusqu'à mon appartement. Leur métier n'est pas toujours facile.

    3
    marie renée
    Mercredi 21 Janvier 2015 à 08:15

    je ne comprends pas que l'on puisse critiquer le corps médical dans son ensemble ,je pense surtout à la samu ,aux pompiers aux ambulanciers ,à tous ceux qui arrivent en 1er sur les lieux ,avez vous oublié  Patrick pELOUX  qui est arrivé sur les lieux du drame et tous les autres qui font cela au quotidien !!! ,alors a tous ceux que l'on "emmerde  "tous ,ils se reconnaitront , vous n'étiez surement pas par la pensée ou par votre présence le 11 janvier à paris  et si vous y étiez j'espère que vous regrettez les paroles que vous avez pu dire !!!!


    courage à ambulancier MR Piquet- Pellorce Emmanuel qui a transporté Thomas  et les autres ,on pense fort à eux et à la famille 


     


    Marie Renée


     


     

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