• La machine à marcher du Pr Rabischong (2/2)

                           

    La régie Renault , avec laquelle Pierre Rabischong est en contact ,en tant que membre fondateur de l'association française de la robotique industrielle , se passionne pour ses travaux . La division des automatismes de la régie , qui travaille aussi sur la mécanique de la marche , décide de mettre des ingénieurs et des moyens financiers à la disposition de l'équipe médicale de Montpellier.

            Durant trois ans , l'effervescence régne dans le bâtiment de l'INSERM , situé à quelques kilomètres de la ville . Médecins , chercheurs et techniciens établissent le cahier des charges de la nouvelle machine à marcher .C'est ce que les spécialistes de la robotique appelent << un système maître-esclave >>. La machine qui pése maintenant 17 kg , est beaucoup plus mobile , et moins chère: environ 30.000 francs .  

            Entre-temps , l'association Propara s'est dotée d'un centre clinique équipé d'un matériel de pointe , avec lequel les paralysés apprenent à de réadapter aux gestes quotidients . Au moment de l'accident de Marie-Pierre , en juillet 1982, le Centre Propara ouvre ses portes . Sur les conseils de son mari , chercheur à l'unité INSERM des sciences physiques , la jeune femme s'y fait hospitaliser . Mise au courant de la dernière réalisation du Pr Rabischong , elle pose de nombreuses questions sur la machine à marcher . Car Marie-Pierre ne veut pas rester dans un fauteil roulant . Son activité de gymnaste lui a donné le sens du dépassement . C'est décidé : elle essaiera la machine .  

           Marie-Pierre et Emmenuel , vêtus de la combinaison bleue , sont côte à côte . Un mois après sa première marche , la jeune femme va réaliser une grande première : tourner. Ce mouvement qui semble très simple , a causé d'innombrables difficultés aux chercheurs . <<Quand vous tournez , explique l'un d'entre eux , votre pas extérieur est plus long que l'intérieur . Cet ajustement est rendu possible par l'intervention du moniteur , qui peut adapter la longueur de ses pas et donc celle de ceux du patient..>>

    Une antenne dans le ventre , des électrodes sur les nerfs.

    Emmanuel ressent une certaine appréhention : <<j'ai,tendance à me pencher en avant ppur retenir Marie-Pierre quand je sens qu'elle va perdre l'équilibre , explique-t-il , c'est la meilleure  manière de l'entrainer dans ma chute , puisque chacun de mes mouvements est reproduit instantanément . J'ai dû m'exercer pour réfréner ce mauvais réflexe . >>  

          Demi-pas par demi-pas , Marie-Pierre avance tout droit . Sa jambe gauche se déplie et amorce un virage à droite . Son autre jambe suit. L'assistance se réjouit , pendant que Marie-Pierre s'arrête , les traits légèrement tirés .  

        Le poids de son corps reposant sur ses mains, elle a mal aux paumes et aux muscles à force de serrer ses cannes pour se maintenir en position stable. Marcher avec la machine nécessite aussi une très grande concentration nerveuse: elle doit sans cesse regarder le sol car , ne sentant plus ses jambes , elle n'a pas d'autre moyen de savoir oùnet surtout quand elle pose ses pieds.  

          Après neuf mois d'hospitalisation à Propara , Marie-Pierre est rentrée chez elle , où elle donne des cours particuliers de mathématique . Désormais , elle s'exerce chaque jour à se tenir debout et à marcher avec ses deux cannes.  

        Avec son moteur principal de 400 watts , la machine à marcher n'a pas été conçue pour une utilisation domestique . Elle ne vise pas à l'autonomie du patient , mais constitue un exellent outil de réentrainement à la marche , déjà utilisé par deux équipes médicales au Japon .  

        Malheureusement , les tétraplégiques , dont les membres supérieurs sont atteints , ne peuvent l'utiliser , car la paralysie  rend difficile , voire impossible , la préhension des cannes . La machine à marcher représente , malgré toiut , un immense progrès : avant la seconde guerre mondiale , les paraplégiques , condamnés à l'immobilité , mourraient bien souvent d'escares et de plaies infectieuses .  

          Aujourd'hui , quatre ans après le premier déplacement de Marie-Pierre , la machine à marcher du  Pr Rabischong apparait comme une étape importante d'un projet encore plus ambitieux : <<l'aide à la locomotion par électro-stimulateur programmée >>. Pour tenter de coordonner les recherches au niveau international , le Pr Rabischong a créé le groupe LAO (locomotion assistée par ordinateur ) , qui s'inspire des travaux les plus récents en informatique .  

        Car si , dès le XVIIIe siècle , des savants découvraient que les muscles paralysés pouvaient être stimulés par des impulsions électriques , il a fallu attendre la révolution informatique pour que l'utilisation simultanée de plusieurs muscles par électro-stimulation soit expérimentée en médecine .  

    Dans la salle de Propara réservée à l'electro-stimulation , Pascal T., vingt et un ans , est assis , jambes et cuisses nues . Paralysé des jambes à la suite d'un accident de voiture , il vient chaque semaine au centre . Jean Woloszko , médecin et chercheur à L'INSERM , lui applique des electrodes sur la peau et tourne les boutons du stimulateur . La jambe de Pascal se soulève . Il réagit bien ; son nerf , bien que déconnecté du cerveau , est intact , et la stimulation électrique a permis la transmission de l'ordre au muscle concerné .

            Depuis l'été 1984, date de son accident , Pascal attend que soit mis au point le nouveau projet conçu par l'équipe du Pr Rubischong.  

    Deux opérations seront necessaires :

    implanter des électrodes directement sur les berfs de ses jambes ;

     introduire à l'intérieur de son ventre une antenne sur laquelle elles seront branchées . 

     Pascal n'aura plus qu'à porter sur lui un boîtier électronique , de la taille d'une calculette , pour pouvoir marcher seul . C'est la conception de ce boitier , dont la commande doit être aussi simple que maniable pour le patient , qui pose le plus de problèmes .  

            Le Pr Rubischong est en train de programmer un système extrêmement précis . La machine doit être capable , par exemple , de savoir quand le pied du patient est sur le sol . Pour lui donner cette information , il a fallu construire des mini capteurs.  

            Lors du dernier congrès internationnal organisé en avril 1984 par le Pr Rubischong , des équipes américaines et autrichiennes , qui ont déjà réalisé des implantations , s'étaient déplacées jusqu'à Montpellier . Les chercheurs de Cleveland et de Vienne ont dialogué avec l'équipe de Propara , qui a expliqué l'implantation qu'elle devrait réaliser courant 1986.  

            Les tests de stimulation ont permis de dresser un bilan très précis de la fonction musculaire de Pascal . Aujourd'hui , il est prêt à essayer la machine à marcher française de la deuxième génération . <<Donner de l'espoir est capital , explique Pierre Rabiscong , qui reçoit chaque jour de nombreuses lettres de handicapés . Mais l'espoir doit être fondé sur une réalité scientifique .Nous sommes maintenant persuadés que nous pouvons apporter une aide efficace aux paralysés .>>

     

         

     

     


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