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La machine à marcher du Pr Rabischong (1/2)
Par ce condensé de lecture du Reader's Digest de 1986 je vous ferais découvrir la machine à marcher du Pr Rabischong
Dans le laboratoire de ce chercheur , à Montpellier , les derniers perfectionnements de la robotique sont mis au service des handicapés
Harnachée dans une combinaison bleue , Marie-Pierre Baskevitch , une jeune femme de trente-trois ans paralysée des deux jambes , actionne son fauteuil roulant pour entrer dans la salle de rééducation du centre PROPARA de Montpellier . L'équipe de médecins et de kinésithérapeutes animée par le Pr Pierre Rabischong l'attend .Dans quelques minutes , la jeune femme va se lever et marcher .
Le professeur s'approche de la combinaison pneumatique portée par Marie-Pierre pour vérifier une dernière fois l'état des quatre moteurs fixés sur les genoux et ses hanches . Puis il lui tend deux canes afin qu'elle se mette debout . Le sourire calme et l'allure déterminée de sa patiente le rassurent . Depuis que cette jeune femme , professeur de mathématiques et mère de trois enfants , est hospitalisée au centre à la suite d'une mauvaise chute , il a appris à la connaître . Marie-Pierre possède la qualité nécessaire à l'exploit qu'elle va accomplir aujourd'hui: le sang froid.
Le fonctionnement de l'appareil est directement dérivé de la robotique : sur chaque genou et hanche du paralysé est fixé un moteur hydraulique alimenté par une centrale et relié à un ordinateur , appelé calculateur , glissé dans la ceinture du kinésithérapeute . Celui-ci porte également , à la hauteur des genoux et des hanches , des potentiomètres qui mesurent le degré de flexion de chaque articulation . Ainsi tous les mouvements qu'il exécute sont calculés par l'ordinateur , et reproduits immédiatement chez le patient .
Un mois après ses premiers pas , Marie-Pierre va apprendre à tourner.
Tout est prêt .Dans le fond de la pièce , la machine , une centrale hydraulique de 1,80 m sur 1,20 m est branchée . Emmanuel Rabischong , fils du professeur et kinésithérapeute , a revêtu lui aussi une combinaison bleue sur laquelle sont fixés , aux articulations des hanches et des genoux , quatre potentiomètres . Le mini-ordinateur glissé dans sa ceinture le relie directement à Marie-Pierre . Ils sont placés côte à côte, comme au départ d'une course.
- Prête ? lui demande t-il .
- O.K .! répond Marie-Pierre , qui s'appuie bien fort sur ses deux cannes pour ne pas perdre l'équilibre et basculer en avant.
A côté d'elle , deux autres kinésithérapeutes sont près à intervenir pour la rattraper . Les membres de l'équipes du Pr Rabischong et les médecins étrangers venus visiter ce centre pilote ouvert depuis trois mois retiennent leur souffle .
Emmanuel soulève sa jambe droite , la déplie lentement et la pose en avant . Marie-Pierre tremble sur ses bras et suit . Je n'ai jamais accompli aussi parfaitement un mouvement de gymnastique , pense t-elle . Je doit m'appliquer , ils me regarde tous .
Son genou droit se replie et sa jambe , mue par le moteur fixé sur sa jambe droite , se propulse en avant . Les yeux fixés au sol , le visage concentré , elle avance demi-pas par demi-pas . Sa progression est lente , car associée à sa paralysie , l'anesthésie de ses membres inférieurs la prive de toute information quant à la position de ses jambes dans l'espace et quant au contact de ses pieds avec le sol.
Quand elle arrive au fond de la salle , le Pr Rabischong se précipite vers elle pour la féliciter .
<<je n'ai jamais eu aussi chaud ! >> s'exclame Marie-Pierre , sous l'oeil ravi de toute l'équipe , pour qui ces quinze pas sont la consécration de six années de recherche .
<<En décomposant les mouvements successifs de la marche , nous nous sommes rapidement aperçus que nous avions affaire à un geste semi-automatique , commente le Pr Rabischong . Quand vous vous promenez dans la rue , vous ne vous posez pas de questions pour savoir quels muscles vous propulsent en avant . Vous déclenchez la "séquence de marche" et vous vous contentez de la piloter pour la direction et la vitesse . Vous n'intervenez pas activement dans la mécanique du système . Ce constat d'automatisme de la marche est le point de départ de nos recherches .>> Depuis la première marche de Marie-Pierre , en octobre 1982, douze paraplégiques ont utilisé avec succès la machine du professeur .
La Cinquantaine active , Pierre Rabischong , qui court sans cesse entre sa chaire de professeur à la faculté de médecine , son unité de recherches biomécaniques et le centre clinique de Propara , est l'homme d'une passion ; la robotique appliquée à la médecine . A partir de ses études sur les articulations et la préhension des objets par les membres supérieurs , il en vient dans les années 60 , à comparer les robots et les hommes . A l'époque , les grandes industries qui fabriquent des marchandises à la chaîne commencent à utiliser des manipulateurs programmables , capables de remplacer les hommes pour les tâches répétitives et dangereuses. Calqués sur le modèle humain , ces manipulateurs sont loin d'être aussi performant que des membres . Mais ils ont à résoudre Imaginatif et doté d'un solide sens pratique , le Pr Rabischong comprend immédiatement l'influence que cette révolution industrielle peut avoir sur la clinique des paralysés .,Il obtient en 1971 , l'aval du ministre de la recherche et de l'INSERM (institut national de la santé et de la recherche médicale) pour créer une unité de biomécanique , ou il réalise bientôt une prothèse électronique de la main afin de venir en aide aux amputés . Un an après , il fonde , avec ses collègues de la faculté , l'association Propara (pour la paraplégie ). Ce groupe pluridisciplinaire , qui réunit deux neurochirurgiens , un biologiste , un urologue et deux chirurgiens orthopédiques et plastiques , se donne deux objectifs : promouvoir la recherche de nouvelles méthodes de traitement des paralysies , et ouvrir un centre clinique pour appliquer les résultats de ses découvertes.
En 1974 , à l'occasion d'un voyage d'études en Yougoslavie, Pierre Rubischong rencontre les Drs Tomovic et Vukobratovic.
Ces deux chercheurs ont conçu , dans leur laboratoire de Belgrade , une <<machine à marcher>>. Telle quelle , la machine ,très lourde et fort complexe , est inutilisable pour faire marcher les paralysés . Mais l'idée est née : le professeur de Montpellier s'enthousiasme pour cette engin qui permettra un jour aux handicapés de se libérer en partie de leur fauteuil roulant . Il décide de le simplifier et remue ciel et terre pour que son projet voie le jour . Très vite il obtient l'aide de l'Ecole supérieure d'aéronautique 'suparéo) pour réaliser un premier prototype .
Le Pr Rubischong et les chercheurs de L'INSERM se rendent rapidement compte qu'un minimum de quatre moteurs (deux pour les hanches , deux pour les genoux ) est indismensable ppur reproduire artificiellement ce qu'un homme accomplit spontanément : se lever, s'asseoir, marcher en terrain horizontal , monter un escalier. <<Car, expliqe le professeur , la mobilité des hanches est essentielle et c'est l'artculation du genou qui contrôle la longueur du membre inférieur.>>
En 1977, la première machine à marcher (47 kg ) , composée d'une centrale reliée pardes câbles aux quatres moteurs électriques fixés sur les articulations du patient voit le jour . Un paraplégique de vingt et un ans l'essaie . Après avoir accompli une dizaine de pas et gravi quelques marches , il,est épuisé: la machine est encore trop lourde . Le prototype doit être amélioré. les mêmes problèmes que le bras et la main qui saisissent les objets .
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