• La découverte de l'insuline (1/2)

    condensé de lecture raconté par l'un de ses auteurs  ,le professeur Ch. Best.

        A voir le médecin qui entrait dans le laboratoire , le matin du 16 mai 1921, on aurait pas deviné que son nom serait immortel.  

        Il faut reconnaître qu’à vingt-neuf ans cela ne se voit guère .    

    dr banting

            Le Dr Frederick Banting avait plutôt l’ air d’un fermier , taillé en force , les épaules un peu voutées , des yeux bleu-vert , un grand nez et un menton proéminent et volontaire. Il avait une voix hésitante et basse qui trahissait une timidité naturelle.  

        - Mettons-nous à l’ouvrage , monsieur Best, me dit-il. Nous n’avons pas tellement de temps.  

    C’était peu dire ! Il avait demandé à l’université de Toronto que l’on mît à sa disposition un laboratoire pour une durée de deux mois , dix chiens et un assistant qualifié en chimie et en physiologie .

        Ces modestes besoins représentaient tout au plus une centaine de dollars. Il pensait que cela lui suffirait pour venir à bout d’une maladie qui avait toujours déjoué les efforts des médecins , un mal implacable et mortel : le diabète  

    .-Vous savez le français , n’Eest-ce pas ? Me demanda Banting.  

        Allons donc à la bibliothèque voir comment un français du nom de Hédon a retiré le pancréas d’un chien.  

        Ce fut le commencement.  

        Nous connaissions tous deux les horreurs du diabète, décrit par un médecin grec deux mille ans plus tôt comme << une maladie dans laquelle la chair fond et passe dans les urines >> .Il se passait , chez les diabétiques , quelque chose qui les empêchait de brûler leur sucre pour produire de l’énergie , si bien que leur corps se dévorait lui-même, tirant sa subsistance de ses graisses et des protéines.  

    On notait également chez ces malades une soif inextinguible , et les nombreux litres d’eau qu’ils avalaient passaient dans leurs urines sucrées . Leur appétit était dévorant . Le seul traitement connu était un régime sévère destiné à rétablir l’équilibre chimique perturbé du patient.

     Les diabétiques graves avaient le choix entre bien manger et succomber rapidement ou bien se mettre à un régime de famine et traîner pendant quelque temps dans un état d’épuisement et de langueur.

        Banting avait vu le diabète faire d’une de ses camarades de classe, une jeune fille de quinze ans pleine de vie, une malheureuse créature que la mort n’avait pas tardé à emporter .  

    Chez moi à West Pembroke , dans le Maine , j’avais vu la même chose arriver à ma tante Anna . C’était une forte femme d’une trentaine d’années , qui ne pesait plus que 36 kg à sa mort.

        A voir l’équipe que nous formions tous deux , personne n’aurait pensé que nous étions de taille à nous mesurer avec le diabète.  

    J’avait vingt-deux ans , j’avait obtenu mes premiers diplômes et je préparais mes certificats de physiologie et de biochimie.

     Quant à Banting , il n’avait pratiquement aucune expérience de la recherche. Sur les instances de sa famille , il entreprit des études de théologie pour devenir pasteur méthodiste , mais son élocution difficile le décida à changer de voie et à s’orienter vers la médecine . Comme étudiant , il était tout à fait moyen.

    Après avoir été chirurgien dans l'armée canadienne , au cours de la Première Guerre mondiale, où sa bravoure lui valut la Military Cross, il s'installa comme chirurgien orthopédiste à London, Ontario , et se mit à attendre une clientèle qui ne venait jamais .

    Un certain mois , ses honoraires ne dépassèrent pas quatre dollars.

    Ne lui voyant guère d'avenir sa fiancée rompit avec lui.

        A présent , voilà que cet homme mettait en jeu toutes ses maigres ressources persuadé qu'il allait guérir le diabète sucré.  

    Ayant abandonné ses quelques patients  et vendu son mobilier médical , ses livres, ses instruments , bref tout ce qu'il possédait, Banting se trouvait le dos au mur.

        On savait que le pancréas , cette glande abdominale jaune pâle , en forme de têtard , qui secrète des sucs digestifs , avait quelque chose à voir avec la diabète .  

    En 1889, l'allemand Oscar Minkowski avait pratiqué l'ablation du pancréas d'un chien , pour voir si l'animal survivait à cette mutilation.

    Le lendemain , il vit que les mouches étaient attirées par les flaques d'urine de la bête .

    L'urine était sucrée: le chien bien pourtant la veille était devenu diabétique.

        Les sucs pancréatiques contiennent -ils un facteur qui régle normalement le métabolisme des sucres ? Pour en faire la preuve , des chercheurs ligaturèrent , les canaux par lesquels ces sucs se déversaient dans l'intestin.  

    Le pancréas s'atrophia  et dégénéra , mais les chiens ne devenaient pas diabétiques !Rabougri, incapable de  transmettre ses sécrétions digestives à l'intestin , leur pancréas continuait à produire le facteur antidiabétique.

        Si ce dernier n'était pas contenu dans les sucs pancréatiques , où se trouvait -il donc ?  

        L'attention se porta sur les milliers de mystérieux <<îlots >> cellulaires éparpillés à travers le pancréas et entourés de fins capillaires ..  

    Peut-être sécréteraient-ils quelque substance X , quelque hormone qui réglait la combustion du sucre ?

    Et si ces îlots déversaient leur sécrétion non pas dans l'intestin mais dans la circulation sanguine ?

    Plusieurs chercheurs avaient eu cette idée et s'étaient attachés à repérer cette hormone , mais tous avaient échoué.

    présent , c'était notre tour .

    -  Voyez - vous , monsieur Best , me dit Banting (nous ne devions nous appeler Fred et Charley que plusieurs jours après) , voyez-vous , lorsque les chercheurs enlèvent un pancréas sain  et le broient pour extraire cette substance X , il est possible que les ferments du suc digestif se mélangent avec cette substance et la détruisent comme ils détruisent les protéines dans l'intestin. C'est peut-être pour cela que personne n'a encore été capable de la découvrir.

        Sachant qu'en cas de ligature des canaux pancréatiques les cellules qui sécrètent les sucs digestifs dégénèrent plus vite que celles des îlots , nous nous proposions de lier ces canaux chez des chiens et d'attendre . <<Au bout de sept à dix semaines le pancréas aura dégénéré et cessera de fabriquer des sucs digestifs et il n'y aura plus rien qui détruise la substance X . Vous l'extrairez , et nous administrerons à un chien diabétique cet extrait pour voir s'il abaisse le taux du sucre dans le sang et dans l'urine.>>  

        Je fis mon travail de chimiste dans notre minuscule laboratoire. La chirurgie canine se pratiquait deux étages au-dessus , dans le grenier à la lumière du jour. A la fin de l'été , ce grenier aurait pu  rivaliser avec n'importe quel bain turc.  

        Pour avoir un peu moins chaud , nous ne portions guère de vêtements sous nos blouses blanches .  

        Faute d'argent , nous mangions au laboratoire. La base de notre alimentation était constituée par des œufs et des saucisses que nous faisions cuire sur un bec Bunsen.  

        Nous avions beaucoup de mal à nous procurer des chiens.  

    Lorsque la situation devint critique , Banting me dit :

        - mets<<les pancréas >> en route , Charley, et allons-y !  

        C'est ainsi que nous appelions notre Ford modèle T .Et nous voilà partis à grand tintamarre à travers les quartiers pauvres de Toronto , cherchant des chiens que leurs propriétaires voulaient bien nous céder pour un dollar.  

        Nous avions fait notre première ligature de canaux pancréatiques en mai et espérions trouver au début de juillet des pancréas atrophiés pour avoir récupérer la substance X . Nous ouvrîmes le ventre de l'un des animaux . Son pancréas était magnifique , nullement atrophié ne ratatiné. Banting et moi , nous avions mal fait nos ligatures.  

        Nos deux mois étaient à peu près écoulés . Nous aurions pu nous avouer vaincus . Mais Banting était têtu . Pendant la guerre , il avait été blessé au bras droit par un éclat de shrapnel. Les médecins avaient voulus l'amputer . Il s'y était opposé et avait réussi , à force de soins , à recouvrer l'usage de son bras. nos projets étaient bien malades , mais nous allions essayer de les sauver. 


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