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Il fait don des organes de son fils
Dans le cadre de la journée mondiale consacrée à cette générosité ultime, un père, Élie Sleiman, souligne l’importance de ce geste « humanitaire ».
Les deux fils d’Élie Sleiman, morts ensemble dans un accident de voiture en 2001. Les organes de Nicolas, en état de mort cérébrale, ont été donnés par sa famille.
Le salon est presque vide, sur une étagère est posé une sorte de livret portant les photos de deux jeunes hommes. Sous chaque visage, une date de naissance et une date de décès. Dans son chalet de Safra, au nord de Beyrouth, Élie Sleiman replonge dans le drame qui a frappé sa famille un soir de 2001.
Ce soir-là, ses deux fils, Nicolas et Andy, rentraient d’une soirée entre amis à Marjeyoun. Les deux jeunes roulent un peu trop vite, un chauffard arrive à contresens, Nicolas et Andy veulent l’éviter, leur voiture s’écrase contre un mur. Andy, 16 ans, meurt sur le coup, Nicolas, 17 ans, est en état de mort cérébrale. Il le restera une semaine, avant de rejoindre son frère. Une semaine pendant laquelle Élie Sleiman, son épouse et leur fille décident de donner les organes de Nicolas épargnés par l’accident. Les médecins prélèveront les yeux, les reins, le foie et le cœur de Nicolas. Grâce à ces dons, sept personnes continueront de vivre ou vivront mieux.
Avec cette décision, la famille Sleiman respectait la volonté de Nicolas. Deux mois avant l’accident, lors d’une visite à un ami de la famille, Nicolas était tombé sur une brochure expliquant l’importance du don d’organes. « Il a lu la brochure, puis a annoncé qu’il serait donneur. Alors ma femme, mon autre fils, ma fille et moi-même avons tous décidé de remplir des cartes de donneur d’organes », se souvient Élie Sleiman, un sourire triste aux lèvres. À l’époque, ajoute-t-il, « nous ne pouvions penser que ce drame allait arriver, et que Nicolas deviendrait effectivement donneur ».
Quand le médecin lui annonce que Nicolas est en état de mort cérébrale, la décision de son fils revient tout de suite à l’esprit d’Élie Sleiman. Le fait que son fils ait, de son vivant, affirmé son souhait de devenir donneur d’organes a été d’une grande aide pour ce père au moment de prendre la décision. Plus encore, le père éploré a la conviction que le bon fonctionnement des organes de Nicolas, une semaine après l’accident, est un signe que son fils avait pour mission de sauver la vie d’autres patients.Le message
Depuis la mort de ses fils, Élie Sleiman s’est mis à l’écriture, une forme de thérapie pour tenir le coup après le cataclysme qui a touché sa famille il y a douze ans. Comme pour que sa femme ne l’entende pas, c’est en chuchotant qu’il montre le sac bourré de médicaments que les médecins leur ont prescrit pour gérer la douleur.
« Le fait d’avoir fait don des organes de Nicolas est comme un point de lumière dans les ténèbres où nous vivons », affirme M. Sleiman, convaincu d’avoir accompli la volonté de Nicolas et heureux que son fils ait pu sauver la vie de personnes malades.Pour Elie Sleiman, « le don d’organes est un acte héroïque, soutenu par toutes les religions vu qu’il est considéré comme une action noble et humaniste ».
Aujourd’hui, Élie Sleiman est un membre actif du Comité national pour le don et la greffe des organes et des tissus (National Organization for Organ & Tissues Donation & Transplantation, NOOTDT). Lors des conférences qu’il donne dans des écoles et universités libanaises, il insiste toujours sur l’importance de sensibiliser les gens au don d’organes. Avoir une carte de donneur est indispensable, martèle-t-il, car cela aide les proches à prendre leur décision le moment venu.
« Le don d’organes est un acte héroïque, soutenu par toutes les religions vu qu’il est considéré comme une action noble et humaniste », affirme-t-il. L’intervention chirurgicale réalisée sur le donneur n’a aucun effet néfaste, poursuit-il, le corps n’est en aucun cas malmené. Si face à un traumatisme aussi violent que la perte de leurs enfants, des parents ont besoin d’un suivi psychologique, M. Sleiman estime en outre que le don d’organe permet d’alléger la tristesse.
Le don d’organes est essentiel, affirme-t-il encore, car la demande d’organes est plus importante que le nombre de donneurs. Nous sommes tous susceptibles de devenir receveurs, alors pourquoi ne serions-nous pas également donneurs ?
Pour mémoire
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( Source : Article de Catherine-Léa Otayek du 19 10 2013 ;Edition de L'Orient Le jour. Liban )
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