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Une fondation pour soutenir les familles des donneurs
Même si elles font le don le plus généreux qui soit, les familles endeuillées des donneurs d’organe disposent de très peu de soutien au moment de poser ce geste vital pour d’autres. Sous l’égide du Dr Pierre Marsolais, une nouvelle fondation pour le don d’organes vient d’être lancée pour adoucir la décision de ceux qui font le don de la vie.
À titre de coordonnateur médical du Centre de prélèvement d’organes (CPO) de l’Hôpital Sacré-Coeur de Montréal, le Dr Marsolais a été témoin, au cours des dernières années, de plus d’une situation crève-coeur vécue par des familles anéanties par la mort d’un proche. Des pères et des mères dans le besoin, qui ont accepté de faire don de l’organe d’un conjoint ou d’un enfant, malgré les frais, le temps et les difficultés que ce choix a entraînés pour eux.
« Je me souviens d’une jeune Ukrainienne décédée au Québec, dont la mère, venue de Kiev grâce à un visa de sept jours, a dû être aidée par les services sociaux pour pouvoir venir au chevet de sa fille et consentir au don d’organes », raconte l’intensiviste. La mère a dû recourir à un interprète russe pour pouvoir remplir tous les formulaires nécessaires pour le don d’organes. « La mère a consenti à faire don du coeur, mais elle n’avait pas d’argent pour manger ou pour se loger. On sait que les receveurs d’organes ont droit aux services de psychologues et d’infirmières, mais les familles des donneurs, elles, n’ont droit à aucune aide », dit-il.
Ce genre de situation affecte aussi les familles démunies ou venues d’une région éloignée, dont le parent survivant se retrouve seul soutien de toute une fratrie. « Je me souviens d’une femme dont le mari était concierge, mère de deux enfants, qui s’est retrouvée monoparentale du jour au lendemain. Elle a consenti au don d’organes, mais elle n’a eu droit à aucun soutien. Elle avait peu de sous pour manger. La vie de ces gens est déjà bouleversée et ils consentent malgré tout à entreprendre un processus exigeant, nécessaire pour le don d’organes », dit-il.
Ce processus peut allonger de 24 à 72 heures l’hospitalisation du proche déclaré mort cliniquement, un coût financier et émotif non négligeable, notamment pour les familles de donneurs venues d’une région éloignée qui doivent se loger. Pour ajouter au malheur, certaines familles se font même facturer les frais de retour du corps vers leur région d’origine, quand le donneur a été transféré dans un hôpital, après que la mort cérébrale eut été diagnostiquée.
Idem pour les familles de donneurs étrangers, qui écopent d’un fardeau financier plus important, puisque le gouvernement du Québec facture chacune des journées d’hospitalisation à gros prix. Certains hôpitaux acceptent sous le manteau de déroger à cette règle pour faciliter le don d’organes, chaque donneur pouvant sauver la vie de sept ou huit autres personnes très malades.
« Ce qu’il faut calculer, c’est que chaque don d’organe fait épargner des milliers de dollars en soins à l’État », défend ardemment ce médecin. Pour chaque greffe du rein réalisée, l’État épargne 50 000 $ en coûts médicaux par année, notamment en traitements de dialyse. À l’heure actuelle, plus de 1000 Québécois sont en attente d’un organe, dont près de 800 pour un rein.
La nouvelle fondation pour le don d’organes servira non seulement à soutenir et aider les familles de donneurs, mais elle financera également la recherche sur le don d’organe et la formation de médecins aux protocoles entourant le prélèvement. « Il n’y a pas d’argent à faire dans le don d’organe, alors les compagnies, qui s’intéressent davantage aux greffés, n’investissent pas dans ce champ de recherche », soutient le directeur du CPO.
La nouvelle fondation jouit déjà d’une somme de 17 500 $, reçue et versée par le Dr Marsolais après avoir été nommé l’automne dernier lauréat du prix Persillier-Lachapelle 2014, un prix de carrière décerné chaque année par le ministère de la Santé et des Services sociaux.
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