• Polémique sur le générique


     Depuis quelques jours, nous voyons émerger dans la presse de nombreux articles sur les médicaments génériques. Certains les défendent contre vents et marées tandis que d'autres s'interrogent. Que faut-il en penser ?

    C'est quoi un médicament générique ? 

    Affirmer qu'un médicament générique est identique au médicament original est mensonger. Un médicament générique est un médicament qui comporte souvent la même molécule que l'original mais la directive européenne 2004/27 précise toutefois que “les différents sels, esters, éthers, isomères, mélanges d’isomères, complexes ou dérivés d’une substance active sont considérés comme une même substance active, à moins qu’ils ne présentent des propriétés sensiblement différentes au regard de la sécurité et/ou de l’efficacité. Dans ce cas, des informations supplémentaires fournissant la preuve de la sécurité et/ou de l’efficacité des différents sels, esters ou dérivés d’une substance active autorisée doivent être données par le demandeur”.

    Sur un plan chimique et plus généralement pharmaceutique, cette définition du médicament générique est plutôt ... tolérante.

    Un médicament générique doit avoir prouvé sa bioéquivalence, un test réalisé sur quelques dizaines de volontaires sains, de jeunes hommes en l'occurence. Chez ces personnes, la quantité de principe actif absorbée par l'organisme doit être comprise entre 80% et 125% par rapport à l'original. Sur certains médicaments, cet intervalle est resserré.
    Enfin, un médicament générique n'est jamais évalué en conditions réelles, par exemple chez une personne âgée qui prendrait plusieurs médicaments. De plus, il n'est jamais évalué sur son effet thérapeutique mais simplement sur la dose de principe actif qui arrive dans le sang chez le volontaire sain.

    Dire qu'un médicament générique est identique à l'original est donc faux. On peut donc au mieux dire qu'il est comparable.

    A ce sujet, l'Académie de Médecine a semé le trouble en février dernier en affirmant que cette bioéquivalence n'était pas forcément une garantie de même efficacité thérapeutique.

    Mais dans la plupart des cas, il n'y a pas lieu de s'inquiéter des différences minimes qui existent entre génériques et médicaments originaux, même si le générique s'avérait légèrement sous-dosé.

    Des interrogations sur l'origine des principes actifs

    Coup de tonnerre dans le monde de la pharmacie ! Il y a quelques semaines, la presse anglosaxone s'est emballée après qu'un inspecteur belge Philippe Andre, patron d'une firme d'audit des centres de production pharmaceutique a révélé les résultats catastrophiques d'une inspection d'une usine chinoise de fabrication de principes actifs. L'incroyable propreté de l'usine, ainsi que quelques détails concernant l'absence d'un système d'évacuation de la vapeur d'eau lui ont mis la puce à l'oreille. L'usine n'était qu'une simple façade, un "showroom" destiné à tromper les autorités chinoises et à blanchir des activités de production low-cost et de contrefaçon.

    Cette découverte nous rappelle le désastre des héparines chinoises volontairement "coupées" avec de la chondroïtine il y a quelques années et ayant entraîné le décès de 149 américains. Edward Sagebiel, le porte-parole de la firme pharmaceutique Lilly and Co a ainsi expliqué que le laboratoire américain a dû imposer des standards de production de très haut niveau. Mais cela ne l'a tout de même pas empêchée d'avoir été confrontée à des filières de production de principes actifs illégales.

    La production de principes actifs chinois représente 70 à 80% de la production mondiale des principes actifs.

    Robert Walsh, un dirigeant de la société Biopharma Consulting, pointe du doigt les producteurs de génériques low-cost qui sont moins regardant que les laboratoires de princeps sur l'origine de leurs principes actifs.

    Alors, info ou intox de Big Pharma ?

    Toujours est-il que les héparines chinoises frelatées ont bien tué près de 149 personnes aux Etats-Unis en 2008.

    Nous sommes donc en droit d'exiger des autorités sanitaires européennes et françaises davantage de transparence sur le sujet ainsi qu'un renforcement des contrôles et des normes de production de principes actifs.


    Toute considération financière mise à part, il est évident que le médicament original a été testé dans le cadre d'études cliniques de grande ampleur, contrairement à son équivalent générique qui comme nous l'avons vu peut comporter quelques différences. Une différence de biodisponibilité de 10 ou 20% ne pose pas de problème dans la plupart des cas. A prendre cependant en considération certains médicaments comme les antiépileptiques ou les antiarythmiques qui tolèrent mal les fluctuations de dose.

    Et les pouvoirs publics ?

    Le reproche que l'on peut exercer à l'encontre des pouvoirs publics est leur manque de transparence sur la qualité des médicaments génériques. La transparence, cela ne consiste pas à crier de toutes ses forces que les génériques sont aussi bien contrôlés que les médicaments originaux. Encore faut-il pouvoir présenter des faits, des données chiffrées.

    La véritable transparence consiste également à pouvoir communiquer lorsqu'il y a un problème sur un générique plutôt que de l'étouffer.

    Par exemple les soucis rencontrés avec les génériques du Levothyrox ayant entraîné des déséquilibres thyroïdiens n'ont été que timidement avancés sur la place publique. Dans un plaidoyer "pro-génériques" paru dans l'édition du 9 septembre 2012 du JDD, Etienne Caniard, le président de la Mutualité Française, une structure que l'on ne soupçonnera pas d'être à la solde des labos, s'est d'ailleurs exprimé sur ce point : "Certaines spécialités dont les marges thérapeutiques sont étroites comme dans le cas des traitements thyroïdiens ne doivent pas être substituées. Elles ne le sont pas. Mais dans 90% des cas, il n'y a aucune différence".

    Peut-être pourrions-nous alors nous intéresser aux 10% de cas restants ?

    Accepterions-nous de l'industrie automobile par exemple que 10% des airbags posent des problèmes ?
    Accepterions-nous de l'industrie nucléaire que 10% des centrales posent également des problèmes ?
    Accepterions-nous enfin de l'industrie aéronautique que "la plupart" des avions volent correctement, à 10% près ?

    Cette opacité est compensée par des campagnes publicitaires gigantesques de l'Assurance Maladie pour rassurer et favoriser la substitution. Mais dans cette affaire de santé publique, est-ce vraiment à des administratifs de l'Assurance Maladie, juges et parties, de se prononcer sur l'inocuité de ces médicaments ?

    Comme pour Big Pharma avec le médicament original, l'Assurance Maladie a également ses propres conflits d'intérêts financiers, cette fois-ci en incitant la substitution vers le médicament générique. (source Jean-Jacques Bolzan) 

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