• Le retour de Scélérat Morbus "ou choléra" (1/2)

                           

      C'est le nom que les parisiens avaient , en 1832 , donné au choléra .  

    Ce fléau mortel , que l'on croyait extirpé du monde occidental , frappe de nouveau dans nos pays , mais nous avons les moyens de le juguler    

    A Paris : l'épidémie de 1832

            On le nommait Morbus , choléra Morbus . A paris , les petits enfants l'avaient baptisé <<Nicolas>> ou <<Scélérat Morbus >>, et le chantonnaient dans leurs rondes , sans se douter qu'il ne resterait pas sourd à leur appel . Comment s'inquiéter , en 1832 , d'un mal qui , quinze ans auparavant , avait pris naissance sur les bords du Gange ? Il faut longtemps pour venir de l'Inde à Paris .  

            En février 1832, un portier de la rue des Lombards , Veillot , homme de quarante ans , robuste et sanguin , se réveilla une nuit en proie à de violentes douleurs intestinales accompagnées de diarrhée, de vomissements . Bien que tremblant de fièvre , il avait le corps glacé , les membres raidis . Il expira dans d'atroces souffrances .  

            Energiquement , mais tardivement , le préfet Gisquet recourut aux mesures qui s'imposaient . On cura les égouts , on assécha en pleine rue des mares pestilentielles , on répandit du chlore sur les chaussées . En vain . Le 26mars , Morbus attaqua de nouveau ; en des quartiers différents "Cité, Monnaie, Arsenal, Hôtel de Ville " 4 personnes furent <<prisent >>. Le mal galopait et la médecine tâtonnait : camphre et charbon ? eau froide et glace ? tisanes , grogs et punchs ?  

            Bientôt le nombre des victimes s'accrut avec une rapidité effrayante " 700 à 800 décès par jour . Morbus frappait indistinctement riches et pauvres . Champollion , la marquise de Montcalm, le général Pujol, des membres de la pairie et du corps législative étaient pris .Le plus souvent , la mort était presque foudroyante . Trois heures ont suffi pour transformer une charmante créature de vingt ans , Mme de Champlâtreux , fille du comte Molé , en cadavre défiguré .

            Les souscriptions et les dons en nature affluèrent dans les mairies et les bureaux de bienfaisance . Prêchant d'exemple , le duc d'Orléans , fils aîné du roi , se montre assidu au chevet des malades , de même que Casimir Périer , le ministre de l'intérieur . Bravement , le <<populaire >> affecte l'insouciance . On trinque , dans les estaminets à la santé de <<Nicolas>> , quitte à tomber , le verre en main , saisi de froid mortel .  

            Les mesures  d'assainissement demeuraient lettre morte devant le danger que représentaient les chiffonniers . Fouillant les tas d'ordures déposées devant les maisons , ils essaimaient les germes de la contagion . Pour mettre fin à ce trafic malsain , la préfecture concéda à l'entreprise Savalette le monopole du nettoiement , par charrettes couvertes . Se prétendant privés de leur gagne-pain , les chiffonniers attaquèrent les véhicules , les brûlant ou les précipitant dans la Seine . Le 1er avril , le désordre tourna à l'émeute . Il y eut des morts et des blessés . La politique s'en mêla . Des esprits mal intentionnés combattaient la <<légende du choléra >>. Le choléra n'existait pas ! Le seul coupable était l'état dont les agents répandaient furtivement de l'arsenic dans l'eau des fontaines . Le plus paisible des promeneurs se voyait soudain entouré d'une meute hurlante qui l'accusait d'avoir jeté au passage de la poudre meurtrière .  

            Ce mois d'avril marque le point culminant de l'épidémie .En mai , elle fléchit légèrement , de 700 à 800 cas par jour ; à la fin du mois , on ne compte plus que quelques admissions isolées à l'hôpital . En août ,le choléra semble reprendre une vigueur nouvelle , mais elle n'est que passagère    

        Lorsque le fléau se fut éloigné , on dénombra les victimes . Les statistiques officielles évaluèrent leur nombre à 18 000 pour le département de la Seine (600 000 habitants ). Mais la désorganisation de l'état civil et des hôpitaux , l'afflux des défunts inconnus déversés dans des fosses n'ont sans doute pas permis un exact recensement . Il semble , d'après le témoignage des contemporains , que le chiffre de 30 000 n'ait rien exagéré .  

        Les Français n'ont pas oublié Morbus  (source Georges Imann-Gigandet , historia , juin 1974)

    Un jour d'été de 1971 à Dourdan , une femme de soixante ans Ginette Bertin * , était transportée d'urgence à l'hôpital le plus proche . Elle souffrait de diarrhée , de violentes nausées et de crampes . L'examen clinique révéla une température extrêmement basse ; les reins étaient bloqués , la peau étrangement tendue et plombée . En peu de temps , le pouls et la tension devinrent imperceptibles . Les médecins étaient perplexes et aucun d'eux n'osaient prononcer le nom qui s'imposait à leur esprit .

            Deux ans plus tard , Paolo Ferrari , à bord de son beau canot de pêche bleu clair , ramait dans la baie de Naples , quand , soudain il se sentit si mal qu'il s'affaissa au fond du bateau .  

          A peu près à la même époque , à Port Lavaca au Texas , un homme de cinquante et un ans Michel Sanchez , était brutalement terrassé . Pour sa part , dans les champs de jute du Bangla Desh , Abdul Rahman , vingt quatre ans , se trouva d'une seconde à l'autre incapable de poursuivre son travail . Il avait des nausées et, bien qu'il fît chaud sous le soleil , ses mains et ses pieds étaient froid et moites . Ces symptômes l'incitèrent à se rendre en hâte à l'infirmerie la plus proche avant qu'il soit trop tard , car il craignait d'être frappé à son tour par le mal qui tue tant de ses compatriotes chaque année .  

    De fait , ces quatre personnes étaient atteintes de la même affection , le choléra , ce fléau qui a fait plus de victimes que la peste bubonique au long des siècles dans le monde entier . Au Bangla Desh , il était connu , mais en France , en Italie et au Texas , il fit l'effet d'une bombe . Or voici que le choléra reprend son offensive et que les épidémies s'étendent dans des pays jusque-là épargnés , à une vitesse alarmante . Aujourd'hui , en Afrique , en Asie et en Europe , plus de la moitié de la population mondiale vit dans des régions contaminées . L'événement de Dourdan a marqué le retour de la maladie en France après un demi- siècle de rémission

     Depuis , on a observé quelques cas çà et là , en France ces dernières années  dit   le Dr André Dodin , chef de l'unité choléra et vibrion à l'Institut Pasteur .Mais je crains surtout qu'une épidémie se déclare en été , dans un bidonville par exemple , dans tous les endroits où existent encore des conditions d'hygiènes déplorables .  

            En bref , le choléra est une diarrhée , la pire qui soit et dont, jusqu'à une période fort récente , bien peu guérissaient . Il se transmet par un microbe en forme de virgule qui se développe dans l'eau et les aliments infectés par les déjections d'un sujet atteint . La période d'incubation ne durant que de un à trois jours , il peut ainsi frapper comme l'éclair et ravager une communauté humaine en un rien de temps . Il n'attaque pas les animaux .  

            Une fois qu'il a pénétré dans l'organisme , la microbe prolifère dans l'intestin grêle , où il libère des toxines qui bloquent le passage normal des liquides à travers ses parois et le transforment ainsi en un simple tuyau d'arrosage ; de surcroît , ces toxines provoquent la sécrétion de liquides , que l'intestin prélève sur les réserves vitales d'eau , de sels et d'alcalis des tissus organiques , et élimine aussitôt . Cette évacuation , qui s'effectue sous forme de diarrhée incolore , inodore et composée presque uniquement d'eau salée , est tellement abondante que le malade se déshydrate très rapidement et que son sang s'épaissit . Souvent il est atteint de vomissements .  

            Dans les cas extrêmes , chaque heure de diarrhée représente une déshydratation équivalente à celle obtenue en passant une journée entière dans un désert torride , et il ne sert à rien de boire des liquides ordinaires puisque l'absorption en est bloquée . Quelques heures peuvent suffire pour entraîner la mort qui, dans les pires cas ,,frappe 75% des cholériques .  

            Le monde ne connaît pas de maladie infectieuse qui affaiblisse plus rapidement que celle-là , affirme un spécialiste américain , le Dr William B. Greenough III de l'hôpital John Hopkins à Baltimore , Maryland .  *les noms des malades ont été changés


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