• La transplantation cardiaque de Pierre

    Il était mourant à 33 ans, un des premiers greffés du cœur de Bordeaux raconte

    La transplantation cardiaque a 30 ans à Bordeaux. Pierre fut l’un des premiers greffés. Il avait 33 ans, ne pesait que 45 kilos et était considéré comme moribond. La chirurgienne qui l'opère avait son âge. Ils racontent aujourd'hui cette (belle) aventure.

    Dysplasie ventriculaire. Une insuffisance cardiaque majeure. Pierre Folliard a 33 ans, et il est mourant. Le 23 décembre 1989, la jeune Nadine Laborde, chirurgien cardiaque à l'hôpital Haut-Lévêque a le même âge et lorsqu'on la conduit dans la salle d'opération, où l'attend son patient endormi....

    Dysplasie ventriculaire. Une insuffisance cardiaque majeure. Pierre Folliard a 33 ans, et il est mourant. Le 23 décembre 1989, la jeune Nadine Laborde, chirurgien cardiaque à l'hôpital Haut-Lévêque a le même âge et lorsqu'on la conduit dans la salle d'opération, où l'attend son patient endormi. Elle s'étrangle : "Je vais devoir greffer un moribond, ça ne marchera jamais !" Mais elle prend les armes et se bat. Pierre qui ne pèse plus que 45 kg pour son mètre 83 est cyanosé, au bout du rouleau, mais contre toute attente il supporte la transplantation cardiaque. Et survit.

    "J'ai regardé mes mains, les ongles étaient bleus"

    Pierre Folliard a 60 ans aujourd'hui, comme le docteur Nadine Laborde. Tous les deux sont désormais de vieux amis. Même passion pour le dépassement de soi, la randonnée, le vélo. Elle a grimpé l'Everest et lui aussi, d'une autre manière. Ils étaient ensemble à la mairie de Bordeaux pour fêter les 30 ans de la transplantation cardiaque, au milieu de patients, de chirurgiens, de soignants, tous ces gens qui ont fait de la capitale aquitaine, un lieu de référence dans le monde. Une rencontre particulièrement chargée affectivement pour Pierre : "À la suite d'une aggravation subite de mon état, j'ai été placé en coma artificiel à Saint-André, le 18 décembre 1989. On m'a réveillé pour savoir si j'acceptais une greffe, je n'avais pas le choix, j'ai regardé mes mains, les ongles étaient bleus." A ses proches, il dit "à bientôt" et il est opéré dans la nuit du 23 décembre à Haut-Lévêque.

    La transplantation cardiaque de Pierre

    Le docteur Laborde se souvient qu'elle était de garde, que cette opération du dernier espoir a pu être possible parce que le professeur Warin, chef du service cardiologie à l'hôpital Saint-André, avait appelé le professeur Francis Fontan, chef du service de chirurgie cardiaque à l'hôpital Haut-Lévêque pour lui demander de réserver le premier cœur disponible pour Pierre. "Les deux hôpitaux étaient un peu en concurrence à l'époque, sourit Nadine Laborde. Cela créait de l'émulation, basée sur le respect. La première transplantation cardiaque avait eu lieu en 1969, avec l'équipe des professeurs Fontan et Eugène Baudet, à Bordeaux. Un an à peine après la première mondiale. Bordeaux déjà fait école.

    "Lorsque je me suis réveillé après l'opération, reprend Pierre, j'ai regardé mes mains. Les ongles avaient retrouvé une couleur normale. Mais les suites ont été très difficiles, car mon organisme avait trinqué. Il a fallu tout réapprendre, je ne pouvais ni parler, ni marcher, ni écrire. Pas à pas j'ai repris une vie normale." Sa voix s'étrangle, il parle d'une seconde chance, de ce cœur qu'il a adopté, de ses enfants qu'il a vu grandir. "J'ai eu besoin de la détermination de toute l'équipe, du professeur Jean-François Warin qui s'est engagé personnellement auprès de l'équipe de Haut-Lévêque, du professionnalisme de Nadine Laborde, de l'entourage au sein du service, de ma famille."

    Les cœurs de la Nationale 10

    Le chirurgien approuve. "On ne sait pas très bien ce qui fait qu'un patient va résister à tout, survivre en bon état, comme Pierre, ou pas. Le voir ainsi me réconcilie avec l'idée de continuer. Sur 100 greffés, un quart va très bien, un quart décède et la moitié rament. Il est entouré, sportif... À l'époque, nous avons multiplié les transplantations, pour une raison cynique, nous avions de jeunes cœurs qui arrivaient. La Nationale 10 et ses accidents... Beaucoup de jeunes. Aujourd'hui, il y a moins d'accidents heureusement, mais il faut parfois attendre longtemps avant de trouver un greffon. Sur le plan technique, le geste n'a pas changé, l'amélioration tient surtout à l'accompagnement, avec des avancées techniques.. Nous, les jeunes chirurgiens, avons eu beaucoup de chance de travailler au sein de ces équipes avant-gardistes et audacieuses. C'était une aventure."

    Pierre et son épouse se regardent, elle souffle: "Nous aussi on a vécu une aventure. Chaque jour qui se lève est un cadeau... depuis vingt-sept ans." ( Source : journal Sud Ouest  du 05 10 2016. Photo Fabien Cottereau)


  • Commentaires

    1
    Mercredi 5 Octobre 2016 à 20:13

    C'est beau et émouvant 

    Bonne soirée Lucien 

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