• La miocardiogreffe D'Audrey

    Je vous propose ce témoignage en mémoire à Audrey qui nous a quitté après une deuxième transplantation
    Voici mon histoire, l'histoire d'une ch'ti de ch'Nord, surement moins drôle que le film!!!
     Je m'appelle Audrey. Et, dans ma vie (32 ans), enfin au moment où je vous écris,il y aura un avant et un après le 2 mai 2009.
     

    Avant, je voyais mon médecin traitant une fois par an pour un certificat de bonne santé. Je faisais une prise de sang juste par pur contrôle. Je ne connaissais pas les hôpitaux (aucune opération infantile). Je connaissais la réa, les soins intensifs, les greffes que dans les films. Je prenais ma douche quand je voulais. J'allais à la piscine. Je travaillais avec des enfants.
     Mais, sont arrivés les essoufflements, timides au début, puis de plus en plus présents. Tellement importants qu'ils m'ont conduits, dans un premier temps, aux urgences de l'hôpital local, ce fameux 2 mai 2009 (où ils pensaient que je faisais une embolie pulmonaire), pour continuer au centre de compétence de l'HTAP de Lille.
     

    L'HyperTension Artérielle Pulmonaire est une maladie rare qui touche les poumons. En gros, les artérioles des poumons se bouchent ce qui empêchent les échanges gazeux de se faire correctement. Le ventricule gauche du coeur ne comprend pas ce manque d'oxygène donc il pompe ce qui provoque de la tension au niveau de l'artère pulmonaire. Le coeur est un "dommage collatéral",car il se fatigue, c'est pourquoi l'HTAP n'est pas considérée comme maladie cardiaque. Elle peut avoir des causes (génétique entre autres ou être associée à d'autres maladies) ou sans, donc idiopathique. Tel fût mon cas : elle "m'est tombée dessus", comme on dit (quoiqu'avec le recul je devais la traîner depuis quelques années mais étant plus forte...).
     

    Juin 2009, hôpital cardiologique de Lille, premier cathétérisme cardiaque droit (dit cathé) : c'est le seul examen qui permet de diagnostiquer l'HTAP. Dans un bloc, on vous envoit une "sonde" dans une veine du bras (ou au cou ou à l'aine) pour aller jusqu'à l'artère pulmonaire afin de relever des pressions. Sachant que cette maladie peut se mesurer par palier (mobile), j'étais déjà au IV. Les médecins m'ont prescrits direct les derniers médicaments commercialisés puis mise sous oxygène 24h/24.
     

    De retour à la maison, je me met en contact avec l'association de patients HTAPFrance. Tout ce que je sais, c'est avec eux que je l'ai appris, ils sont supers : à l'écoute, visites dans les hôpitaux, rencontres régionales, et leur fameux congrés.
     

    Octobre 2009, deuxième cathé, les pressions sont stables donc toujours élevées. On me met sous Flolan. C'est un médicament qui ne s'administre que par voie intraveineuse (comme une perf mais 24h/24). Donc, on "m'implante" un cathéter tunnelisé au niveau de la poitrine afin que le médoc agisse directement sur les poumons. Il est recouvert d'un pansement qui doit être changé le moins souvent possible pour éviter les infections qui se propageraient directement dans le coeur (donc passage de l'infirmière après chaque douche). Il est relié à une machine de la taille d'une Game Boy (l'ancienne, celle des années 80, la blanche) qui est équipée d'une petite caissette où se trouve le médicament sous forme liquide pour une durée de 12h. Le Flolan ,à la base, est sous forme de poudre.

    Durant la semaine "d'introduction" (la première semaine de traitement), on m'a appris à faire un geste infirmier que j'ai reproduit 2 fois par jour à 8h et à 20h 365 jours pendant 2 ans. Sur un champs stérile, à l'aide de compresses et de seringue, je devais reformuler le médoc, c'est-à-dire faire de cette poudre une solution,la plus précise possible, l'injecter dans une de ces fameuses caissettes afin d'avoir du Flolan en continue.
     

    Ce médoc est tellement puissant qu'il se mesure en ng/kg. Il a donc de vilains effets secondaires (diarrhées, céphalées, flusch facial..).On ne peut le trouver qu'en milieu hospitalier : tous les mois, avec l'aide d'un proche, je m'y rendais pour mes 5 cartons. Mais, j'ai pu me passer d'oxygène et j'ai pu vivre encore 2 ans grâce à lui.
     

    Octobre 2010, l'asso organise un congrés à Lyon, je m'y rend avec maman. J'en ressors en ayant appris plein de choses mais surtout que pour guérir de l'HTAP, la seule solution c'est la greffe (je fais tous les ateliers à ce sujet et heureusement...).
     

    Pendant un an, je vais des allers-retours à Lille pour contrôler la maladie, elle se stabilise. J'ai même réussi à descendre de palier (II / III). Je reprend une activité professionnelle en mai 2011 (plus possible avec les enfants je suis reclassée dans l'administratif).
     Octobre 2011, le dernier cathé n'est pas bon. Les pressions sont trop élevées, je suis au max de tous les médocs,retour à l'oxygène. Lille pense m'envoyer à Paris (Béclère) en janvier et commence à me parler greffe.
     Novembre, tout s'accélère. Au boulot, je fais "comme une crise cardiaque" : mes bras sont lourds comme du plomb, je suis très essoufflée au repos, palpitations, bref rien ne va...
     Le SAMU arrive, urgences, soins intensifs à Lille puis... Béclère.
     Pose de cathéter central, dobutamine,...le coeur se fatigue. 3 jours après je suis sur liste de greffe pour des poumons (ça c'est sur) mais aussi...le coeur (le fameux dommage collatéral). Dans la même semaine, on me place en super urgence.
     

    Je rencontre mon chirurgien, première rencontre mémorable, qui m'annonce, tout net :
     -”De toute façon, si vous n'êtes pas greffée au plus vite, il ne vous reste que quelques mois à vivre”.
     Là, c'est la black-out, plus aucun souvenir de la suite de la conversation...
     Je n'avais pas encore “tout” réalisé.
     Première semaine passée, rien. Les médecins enclanchent la 2e semaine.
     Le 4 décembre 2011 2h30, toujours à Béclère, je viens de m'endormir.
     

    Un médecin arrive dans ma chambre, me réveille, en se présentant :
     -”Bonjour, je suis Madame ... le médecin pour la nuit.
     Ce qu'il faut savoir, c'est qu'en soins intensifs ou en réa, nous sommes très “observés”, manipulés. En pleine nuit, on vient vous prendre une tension, une prise de sang, remplir les seringues de médocs,...Au début, on se réveille pour s'y intéresser un minimum, mais, à la longue, on reste dans un demi-sommeil et on se laisse faire. A ce moment-là, j'étais dans cette configuration.
     Je répond, poliment, un “Oui, bonjour Madame” et me rendors. Le docteur insiste : “Mademoiselle, je suis le médecin de garde...
     Oui, Bonjour, lui répondis-je une nouvelle fois avec un air un peu agacé, l'air de dire : “j'avais bien compris la première fois, tu me laisses dormir oui”
     Je viens vous dire qu'il y a un greffon pour vous.
     

    Alors, là, j'ai été réveillée toute de suite, en pleurs, je l'ai serrée dans mes bras. Elle a eu à peine le temps de m'expliquer que le SAMU arrivait pour me transporter jusqu'à Marie Lannelongue, que j'étais au téléphone avec maman et tous ceux que je pouvais prévenir pourqu'ils aient la nouvelle dès leur réveil.
     

    Le plus long a été de me transbahuter du lit au brancard avec toutes les machines, car le centre de greffe est à côté du centre de référence de HTAP et travaillent en étroite collaboration. Arrivée sur place, m'attendaient ,déjà, maman, mon conjoint, et toute une équipe infirmières / aides soignantes. Je suis lavée, rasée, “Bétadinée”, et, après un “au revoir” à mes proches, placée au bloc pour 10 heures. (Ce qui suit m'a été raconté) Ils ont eu du mal à m'endormir mais tout s'est bien passé, le lendemain, j'ai du y retourner pour une transfusion. Je suis restée endormie une dizaine de jours.
     

    Puis, la réa : réapprendre à manger, à respirer, à marcher,à parler,...
     La veille de Noël, j'ai pu intégrer une chambre normale. S'ensuient les petits plaisirs retrouvés : prendre une douche sans appareil, respirer sans oxygène, marcher plus vite (à la façon Bambi mais ce n'est qu'un début), faire du vélo,...
     

    Fin janvier, j'ai pu quitter l'hôpital pour un centre de rééducation plus proche de chez moi où j'ai pu retourner dans une piscine,...
     Mais, voilà, je me suis peut-être trop vite remise car ,depuis mars, un champignon “l'Aspergilus” a décidé de se loger dans mes poumons. Les EFR (valeurs du souffle) dégringolent, retour sous oxygène en mai, on parle d'éventuelle retransplantation,...
     Celà fait maintenant 15 jours que je commence à voir le bout du tunnel, l'essoufflement est moins important. Je prépare mes futures vacances (une petite semaine en “thalasso”).
     

    A 8 mois de la greffe, pleins de souvenirs que j'ai encore pu construire, pleins de futurs projets à réaliser, pleins de moments construits et à construire avec mes proches,...
     

    Pour cela, j'ai tant de personnes à remercier :
     à mon donneur et sa famille: votre cadeau de Noël est bien arrivé et j'en prends soin.
     À maman avec qui j'ai tout traversé
     à mon conjoint
     à mon frangin
     à mes proches et tous ceux qui m'entourent : merci de votre soutien, de votre présence.
     À mon médecin traitant : Le premier maillon de ma chaîne de vie.
     Aux équipes médicales de Dunkerque, Lille, Béclère, Marie Lannelongue
     à l'association HTAPFrance
     à Kriss Laure
     à l'équipe de l'aumônerie de Marie Lannelongue
     à Laurie, my sister
     à Fabrice, mon nouvel ange gardien,
     aux pharmaciens, infirmières et intervenants à domicile...

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