• Armand Trousseau , humain et audacieux (2/2)

     

    << La médecine est l'art de guérir , elle n'est que cela >> 

     

    Et comble d'audace , il n'utilise pratiquement jamais de saignées , au grand scandale de la plupart de ses confrères . Qu'importe , d'ailleurs , car ses remèdes sont actifs . Il voit les globules sanguins de ses malades se <<régénérer>>; il constate le retour de l'appétit chez les malades de l'estomac . En bref , il acquiert vite une réputation de bon médecin , car il agit avec efficacité , N'a-t-il pas pour formule :<< la médecine est l'art de guérir , elle nest que cela  >>, maxime révolutionnaire pour son temps ? En 1830 Armand Trousseau épouse Germaine Stéphanie Caillot , un mariage de raison , semble-t-il . Le couple aura deux enfants dont un fils Georges , qui fera parler de lui de façon assez déplaisante pour ses parents .

     

    En 1832 , Armand est atteint par le choléra , dont une épidémie submerge l'Europe . Le médecin , qui surmonte le mal assez rapidement , se livre à une bien interressante confidence où se profilent des préoccupations sociales alors à l'honneur :<< Il faut garder la chambre dès l'instant que se montre la diarrhée . Les gens du peuple périssent parce qu'ils bataillent en travaillant . Les gens du monde guérissent parce qu'ils se mettent au lit à la moindre colique ,>>

     

    Dès 1852 , Trousseau est nommé à l'Hôtel-Dieu , où il restera pendant douze années , partageant son temps entre ses soins aux malades et ses cours aux étudiants , réunis en volumes qui constitueront jusqu'en 1914 , du moins pour leur plus grande partie , la bible thérapeutique des médecins Français , Trousseau a tout vu , tout étudié et in serait impossible de résumer l'ensemble de ses travaux , tant ils sont divers , couvrant l'ensemble des maladies humaines .  Soulignons que cette fameuse trachéotomie , dont il fut l'inlassable propagateur dans les cas graves de diphtérie, permit de sauver 30% des opérés qui , sans elle , succombaient immanquablement .

     

    Homme de coeur , Trousseau se désole , dans <<sa passion toujours jeune et ardente pour la médecine >> , de ne pouvoir faire mieux ! perd-il deuxmalades trachéotomisés par ses soins ? Il s'en ouvre à Bretonneau ,<< Je suis horriblement malheureux de ces désastres , lui écrit-il le 13 janvier 1854 ... Je perd confiance en moi , Cet affreux poison est plus malin que vous ne l'avez dit . Depuis deux ans , il m'a tué 7 ou 8 malades , plus en deux ans que je n'en avais vu mourrir en vingt ans . Venez à mon secours ...>>

     

    Cette humanité compatissante pour ses malades , Armand Trousseau la montrera à tous et à toutes . Hospitalise-t-il quelques prostituées dans son service , il note cette observation :>< Les femmes perdues qui entrent dans les hôpitaux n'ont de respect pour nous qu'à la condition que nous en ayons pour elles . Elles nous savent gré d'une retenue qu'elles railleraient peut-être ailleurs et je ne suis pas sûr qu'elles n'emportent pas de l'hôpital de meilleurs sentiments quand elles y ont été traitées avec les même égards que les pauvres filles dignes de tous nos respects qui souffrent dans   des lits voisins .>>

     

    Sur le plan des traitements , Trousseau est aussi efficace que prudent .Trois exemples le montrent  :

     Dans les ulcères de l'estomac , dès 1833, il prescrit , en cures de vingt jours par mois , le sous-nitrate de bismuth à la dose de 10 à 20 grammes .Or , c'est actuellement une dose de 15 grammes par jour pendant 15 jours par mois qui est utilisée . Si la thérapeutique n'a pas changé depuis cent soixante ans , c'est qu'elle a fait ses preuves .

     Pour l'asthme , Trousseau emploie sans abus et selon les réactions des malades les médicaments de son époque (datura, opium, jusquiame, belladone,compresses d'ammoniac  sur la partie postérieure du pharinx ) , mais insiste , pour le choix de tel ou tel d'entre eux , sur les réactions individuelles du patient .

     Dans la goutte , le médecin de l'hôtel-Dieu , s'abstient d'utiliser la colchicine lors des attaques aiguës . Car s'il <<enrayait , et c'est facile , les excès du mal , il courrait le risque de les voir revenir à intervalles plus rapprochés et de changer une goutte franche et passagère en une goutte froide et persistante >>. Cette attitude d'abstention thérapeutique est rare dans son siècle !

     

    Enfin , son maître Bretonneau avait , bien avant Pasteur suspecté l'existence de <<germes spéciaux donnant naissance à chaque maladie contagieuse ,les fléaux épidémiques n'étant engendrés et disséminés que par leur germe reproducteur >> . Fidèle à cette leçon , Trousseau en 1854 , lui écrivait à propos de chaque nouveau cas de maladie contagieuse qu'il constatait :<<Je ferai bruler les lits et les couvertures ,je ferai jeter au feu les papiers de tentures , car ils ont un velouté pernicieux , attractif et rétentif . J'engagerai la mère à se purifier comme une hindoue . Autrement , quelle querelle ne me ferez-vous pas ? >>

     

    Par un de ces coups diaboliques du destin , Armand Trousseau succomba à un mal cancéreux de l'estomac qu'in avait diagnostiqué . Lui-même avait décrit un signe annonciateur de la fin du malade (une douleur des membres inférieurs .Or il ressentit cette douleur le 1er janvier 1867, confiant à son ami Lejeay: <<Je sais que je suis perdu , mon bon ami . J'en ai pour six semaines ou six mois... >> ).

     

    Il s'éteignit le 23 juin de la même année , en prononçant le nom de son fils Georges , ce fils maudit qu'il avait chassé de la maison familiale en 1854 après qu'il eut perdu au jeu une somme considérable que le père avait dû rembourser . Ce Georges , quel bohème ! Il avait fait un an de médecine auprès de son père , puis tout abandonné pour se livrer à la débauche . D'où le drame de 1854.

     

    Un de ses amis retrouva Georges en 1873 à honolulu , capitale du royaume d'Hawaï , encore libre , où le roi Lunilano 1er l'a nommé <<médecin chirurgien consultant de l'hôpital >> , depuis le jour où , seul de tous les médecins présents dans les îles , il a su diagnostiquer à temps les premiers cas d'une épidémie de variole . Comment ? Georges s'était souvenu d'une leçon de son père où celui-ci avait indiqué qu'au début du mal apparaît presque toujours un signe révélateur : une douleur siégeant au niveau du rachis lombaire . Or c'est cette douleur annonciatrice de la maldie que Georges avait observée chez les premiers patients qu'il avait examinés! Six ans après sa mort , une leçon d'Armand Trousseau avait servi à son fils pour , enfin , entrer dans le droit chemin de la médecine , celui qu'avait suivi , pendant toute son existence , le grand médecin tourangeau , dont deux h^^opitaus (à Tours et à Paris ) , de nombreux services et quelques cliniques portent le nom de notre pays .  (source : Pierre Bourget , Top Santé ;avril 1996)


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