• Accès à l'assurance : le "droit à l'oubli"

    Droit à l'oubli pour quelques uns ou droit à l'assurance pour tous ?

    Accès à l'assurance : le "droit à l'oubli" laisse de côté tous ceux qui ne guériront jamais...
     

    Attendu de longue date par les personnes malades, qui rencontrent d’importantes difficultés d’accès à l’assurance, le droit à l'oubli ne s'appliquera finalement qu'à une faible minorité d'entre elles, considérées comme guéries de certains types de cancers.

    Ainsi, le droit à l'oubli ne s'acquiert que lorsque s'est écoulé un délai de plusieurs années depuis l’arrêt de tout traitement, ce qui le rend inapplicable à la plupart des maladies chroniques, dont les maladies rénales évolutives, ainsi que pour les patients traités par dialyse ou greffe. Un bien mauvais signal à la veille de la Journée Mondiale du Rein...

    Plusieurs associations de patients, dont Renaloo, adressent au Président de la République une tribune, publiée dans l’Express, réclamant enfin "le droit à l'assurance pour tous".

     

    Monsieur le Président,

    En février 2014, vous avez lancé le plan cancer 3 et vous êtes engagé à l'instauration d'un "droit à l'oubli" pour les personnes guéries d'un cancer qui souhaitent souscrire une assurance, par exemple dans le cadre d'un emprunt immobilier.

    A la première lecture, cette mesure forte aurait pu sembler une bonne idée. Malheureusement, comme nous le redoutions, les mesures annoncées ce mardi 24 mars sont extrêmement restrictives: seuls seront concernés les enfants de moins de 15 ans et ce après cinq ans de rémission; quant aux adultes, il leur faudra attendre quinze ans après la fin de leurs traitements. Enfin, seulement quelques malades ayant eu des types de cancers bien spécifiques pourront espérer, sous certaines conditions, accéder à une assurance sans surprime. Quelle déception!

    Refus d'assurance et surprimes

    S'assurer reste un parcours semé d'embuches pour beaucoup de personnes malades. Ces difficultés concernent bien entendu les personnes atteintes d'un cancer. On sait aujourd'hui qu'un malade sur deux n'en mourra pas, on ne peut que s'en réjouir. Mais l'espoir d'une guérison complète reste limité à un faible nombre. Parmi les "survivants", certains vont guérir, certains entreront en rémission, avec un risque éventuel de rechute; d'autres enfin auront besoin d'un traitement tout au long de leur vie, à l'instar d'autres malades chroniques (VIH, maladies rénales, diabète, maladies cardio-vasculaires, maladies psychiques, etc.). Il est surprenant que le droit à l'oubli laisse sciemment de côté toutes les personnes qui ne guériront jamais de leur maladie, mais vont vivre avec, parfois durant des décennies, des existences entières.

    Elles restent confrontées à des refus fréquents d'assurance, ou se voient appliquer des surprimes disproportionnées, le plus souvent assorties d'exclusions de garanties concernant les conséquences éventuelles de leur problème de santé. Finalement, soit elles ne sont simplement pas assurées, soit elles paient bien plus cher pour une couverture incomplète et inadaptée. Plusieurs conventions successives -AERAS étant la plus récente- sont intervenues au fil des années pour tenter d'améliorer les choses, mais force est de constater que les résultats ne sont pas au rendez-vous. Les assureurs continuent à surtaxer ou à exclure massivement les malades et, compte tenu de vos dernières déclarations, ils continueront à le faire.

    Le système actuel prive les malades chroniques de la possibilité de réaliser leurs projets de vie. S'assurer est en effet une étape nécessaire dans beaucoup de situations, pour emprunter dans le cadre d'un achat immobilier, créer ou développer son activité professionnelle, se garantir une protection sociale convenable via la prévoyance, en cas de dépendance, etc. La complexité des procédures, les échecs et les revers sont si dissuasifs que nombreux sont ceux qui renoncent à faire connaître leur état de santé et effectuent de fausses déclarations. Outre le fait qu'ils se mettent dans l'illégalité, ils prennent également un risque considérable, celui de ne bénéficier d'aucune couverture en cas de difficulté de santé future, qu'elle soit liée ou non à leur maladie.

    "Protéger ceux qui ne guériront pas plutôt que de les stigmatiser"

    Cette situation vous semble-t-elle juste et équitable? Les bien-portants sont-ils à ce point plus méritants que les malades? Ceux qui guérissent définitivement d'un cancer sont-ils plus dignes d'emprunter que ceux chez qui persiste un risque de récidive? Ceux qui ont "vaincu" une maladie grave sont-ils plus "héroïques" que ceux qui n'auront d'autre choix que de la combattre durant tout le reste de leur existence? Cette inégalité de droits en fonction de l'état de santé laisse entendre que la maladie constitue une forme de rupture du contrat social, qui prive celui ou celle qu'elle touche d'une partie de sa citoyenneté.

    Etre malade n'est pas une faute. C'est un accident de la vie, qui met en situation de vulnérabilité. La société devrait s'attacher à protéger ceux qui ne guériront pas plutôt que de les stigmatiser et leur faire subir ce qui s'apparente à une double peine. C'est pourtant ce que prévoit le droit à l'oubli, en opposant malades et anciens malades. On ne peut que souscrire à l'idée qu'une personne ayant eu un cancer dans l'enfance ne soit pas pénalisée pour s'assurer vingt ans après. C'est une évidence, qui devrait naturellement découler d'une prise en compte des risques réels et des statistiques de survie disponibles. Le simple fait que ces difficultés persistent montre que les assureurs ne jouent pas le jeu. Il faut donc les y contraindre. Ce droit à l'assurance doit passer par une obligation des assureurs à ne plus surévaluer les risques et surprimes, mais à les personnaliser en fonction de données actuarielles précises et ce, pour tous les malades chroniques.

    Mutualiser les suprimes et utilier les bénéfices des contrats d'assurance emprunteur

    Il pourrait aussi s'appuyer sur un fond de mutualisation des surprimes, abondé par les montants des "bénéfices techniques et financiers" des contrats d'assurance emprunteurs. L'article L.331-3 du Code des Assurances prévoit en effet que doivent être rendus aux assurés (malades ou non!) à la fin du contrat les surprimes d'assurance qui n'ont pas servi à couvrir la réalisation des risques. Or, les contrats d'assurance-emprunteur sont hautement bénéficiaires en France, ce qui montre à quel point ils sont surtaxés.

    Sur 100 euros de prime payée par l'assuré, le banquier reçoit plus de 40% du montant de la prime pour un prêt immobilier et pas moins de 70% pour un crédit à la consommation. Au global, ce sont respectivement près de 11,5 et 4,5 milliards qui auraient dû être reversés aux assurés pour la période 1996-2007, mais ne l'ont toujours pas été. Consacrer ces montants, existants et à venir, à améliorer l'accès à l'assurance des personnes malades, quelle que soit la pathologie dont ils souffrent serait une mesure forte, solidaire et incontestable.

    Monsieur le Président, il est urgent de prendre une décision politique au plus haut niveau de l'état, qui affirme enfin le droit à l'assurance pour tous plutôt que le droit à l'oubli pour quelques uns.

    • Yvanie Caillé, fondatrice et directrice générale de l'association Renaloo
    • Catherine Cerisey, auteur du blog "Après mon cancer du sein"
    • Damien Dubois, journaliste santé, fondateur de Jeune Solidarité Cancer
    • Muriel Londres, bénévole de Vivre sans thyroïde
    • Giovanna Marsico, directrice de l'association Cancer Contribution
    • Michel Simon, président d'[Im]Patients Chroniques et Associés  ( source rénaloo)


  • Commentaires

    1
    Samedi 28 Mars 2015 à 17:04

    il y a tjs un questionnaire santé à répondre quand on fait qq chose  ce n'est pas normal tout de même, cela peut-être pris pour une atteinte à la liberté

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