• En 2010 , le chirurgien français Laurent Lantieri pratiquait la première greffe totale de visage sur Jérôme , un patient défiguré par une maladie grave .

    Retour sur un exploit extraordinaire .

     

    Il se regarde dans le miroir et découvre le visage d'un étranger , encadré de pattes et d'une crinière de cheveux gris au dessus d'unnfront légèrement ridé , un nez aquilin , des lèvres fines ,

     

    qui décrivent un petit <<o >> , et un menton pointu hérissé d'une barbe de quelques jours . De son doigt , il en dessine les angles et les replats , explorant une nouvelle texture .

     

    <<  C'est encore moi , dit-il d'un ton ferme . C'est moi , avec un nouveau visage  . >>

     

    Jérôme sort de l'ombre . Il vient de subir la première greffe totale de visage , depuis la racine des cheveux jusqu'au cou , avec des glandes lacrymales fonctionnelles , des paupières qui clignent et une barbe de trois jours qu'il va bientôt falloir raser .

     

    Arlette contemple Jérôme , son nouveau-né . Ce jour-là , le 30 janvier 1975 , c' est l'hiver en Bretagne et Arlette frissonne , comme si un vent froid s'engouffrait dans la chambre de la maternité .

     

    << que se passe-t-il ? demande t-elle , inquiète .

     

    Quelques heures après sa naissance , son bébé aux poings crispés a la paupière droite à demi-fermée et la lèvre supérieure terriblement gonflée .

     

    - Faites-le examiner par un ophtalmologiste , conseille le médecin présent . Il faudra probablement opérer l'oeil pour que sa vue se développe normalement .>>

     

     

    Ainsi a commencé le calvaire de Jérôme - et ce n'était rien comparé à ce qui l'attendait

     

    Pendant sa petite enfance , puis à l'école primaire , Jérôme enchaîne les interventions chirurgicales - des opérations esthétiques pour tenter de gommer l'excroisssance qui déforme son visage . Il a 9 ans lorsque , enfin , les médecins diagnostiquent le problème : Jérôme est atteint d'une neurofibromatose de type 1 , une maladie génétique relativement fréquente qui se manifeste par le développement de neurofibromes . Le gène mute spontanément dans environ la moitié des cas - une loterie cruelle qui a désigné le petit dernier d'Arlette . Et la maladie risque de s'aggraver avec l'âge .

     

    pourtant nul n'aurait pu imaginer les ravages qu'elle allait faire . A la puberté , les tumeurs se multiplient . Le visage de Jérôme n'est plus qu'un masque grotesque , au côté droit affaissé , au nez écrasé et à la bouche étirée sous le poids de la peau . << ohé, le monstre ! >> , hélent les passant dans la rue . Certains enfants qui ne le connaissent pas l'appelle Quasimodo . Le coeur brisé , Jérôme accuse les coups et souffre en silence .

     

    Son frère Ludovic ,de dix-huit mois son aîné , prend systématiquement sa défense . Un jour , il grimpe l'escalier quatre à quatre et fait irruption dans la chambre de son jeune frère : << Pourquoi tu ne pleure jamais , c'est si difficile de se laisser aller ? Regarde, moi , je pleure , toi jamais !  . >>

     

    Jérôme ne répond pas . Comment expliquer que retenir ses larmes est le seul moyen de ne pas s'effondrer ?

     

    Une seule fois , en rentrant de l'école , il exprime sa souffrance à sa mère . Il a 12 ans et , après avoir soignesement refermé la porte d'entrée pour ne pas la faire claquer , il s'adress à elle le visage fermé :  << Pouquoi m'as tu mis au monde , >>

     

    Pendant ses années de lucée , puis à Paris , où il s'installe pour faire des études de cinéma , la maladie progresse . Moralement Jérome se blinde . Pour lui , la <<ville des lumières >> est plutôt une ville des ombres . Le métro est une épreuve , où les passagers font un bond en arrière pour s'éloigner de lui, comme d'un animal . Il se prend de passion pour le théâtre , mais ne parvient pas à décrocher un emploi , même en coulisses .

     

    Ludovic , son seul confident , s'est auusi installé à Paris . Quand Jérôme se sent au fond du gouffre , c'est son frère qu'il appelle . Le dimanche , ils se promènent au bois de Vincennes . Et puis un jour , Ludovic tombe amureux d'une jeune femme de Niort qu'il part rejoindre .

     

    <<  Que vais-je faire sans lui ? demande Jérôme , en larmes à sa mère .

     

     - Quand tu auras besoin , appelle-moi , répond Arlette

     

    - Même à 3 heures du matin ?

     

    - Surtout à 3 heures du matin .>>


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  • Elles nous en mettent plein la vue !

    Longtemps sous-estimées , elles font un retour en force grâce à leurs qualités et leur pouvoir de séduction sur les cuisiniers .

    Petites graines de toutes les couleurs

    Cultivée au Moyen-Orient depuis environ dix mille ans , cette plante légumineuse , comme les fèves , haricots et pois , produit de petites gousses renfermant seulement deux graines , dont les couleurs offrent , selon les variétés et les régions du monde , un bel arc-en- ciel de blond , brun , vert , rouge et rose corail ... Le Canada , où la culture des lentilles débute seulement après la première guerre mondiale , en est aujourd'hui le plus gros producteur . Avec l'Inde et la Turquie , ces trois pays assurent 70 % des 2,8 millons de tonnes produites dans le monde .

    On a pour elles les yeux de l'amour !

    Les lentilles françaises , une microproduction à l'échelle planétaire (10 000 tonnes ) , n'en sont pas moins cultivées avec passion dans plusieurs terroirs . La plus exotique est la lentille de Cilaos , cultivée dans l'un des cirques montagneux de l'île de la Réunion et dont on se régale dans l'épicé rougail . La plus rouge , sous le nom de lentille de Champagne , fait pétiller de bonheur les palais délicats . La plus claire , c'est la blonde de Saint-Flour , qu'une bande de fous ressucite en 2001 , après sa disparition trente ans plus tôt ! Enfin , il y a les vertes, celles du Berry , qui prospère depuis les années 1950 avec une IGP et un label rouge , et la lentille verte du Puy . A la fois la plus ancienne , la plus abondante (3 500 à 4 000tonnes par an contre 100 tonnes pour chacune des autres ) et la plus appréciée . Ses qualités (peau fine , moins farineuse) , dues au climat des hauts plateaux du Velay en Haute Loire , lui valent la reconnaissance d'une AOP . Et , l'admiration des chefs étoilés , à commencer par deux enfants du pays , Régis Marcon et François Gagnaire , qui ont réhabilité celle que l'on surnommait un peu ciniquement le  << caviar du pauvre >>.

    Charmantes dames de fer

    Après le souci croissant du rôle de l'alimentation sur notre santé , l'intérêt pour leurs vertus a augmenté  aussi . Leur richesse en fer ( plus importante que celle des épinards ! ) , en protéines ( d'où son surnom de << steack végétal >> ) , en fibres et sucres lents en font un aliment précieux . Et si les classiques - avec du petitsalé , en potageou en salade - restent irrésistibles, n'hésitez pas à suivre les audaces de grands chefs , qui les associent aux poissons fumés , aux gésiers confits et foies gras ou même aux langoustines rôties et autres crustacés ultra-chics ( source : télé loisirs )


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    Ingrédients : (4 pers)

     

    2 aubergines

    2 oignons

    2 C à soupe d'huile d'olive

    6 tomates

    2 oeufs

    150 g de parmesan

    400 ml de lait

    sel et poivre

     

    Préparation et cuisson :

     

    Lavez et coupez les aubergines en petits cubes

    Epluchez et émincez les oignons

    Faites revenir aubergines et oignons dans l'huile environ 10 mn

    Lavez et coupez les tomates en dés

    Mettez-les dans un plat à gratin avec les aubergines et les oignons

    Mélangez , salez , poivrez et saupoudrez de parmesan

    Battez les oeufs et mélangez avec le lait

    Salez et poivrez puis versez sur les légumes

    Faites cuire au four pendant 40 mn à 200 °C (th 6-7)

     

    Ce gratin se mange chaud ou froid .

     

     


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    La transplantation préemptive permet de bénéficier d’une durée de vie du greffon plus élevée que lorsque la greffe intervient après le début de la dialyse;

     

    comment s’explique cela ?

     

    La transplantation préemptive « stricto sensu » est celle qui est réalisée avant que le patient n’entre en dialyse et cette transplantation donne de meilleurs résultats, c’est un fait avéré.

     

    Alors quels sont les facteurs qui expliquent cela?

     

    Il y a des facteurs qui sont évidents comme probablement le fait que ce soient des patients en bien meilleure santé globalement. Ils n’ont pas subi plusieurs années de dialyses et les complications qui peuvent aller avec. Peut être qu’alors on ne parle pas des mêmes patients.

     

    Un deuxième facteur est que les greffes préemptives sont souvent faites avec donneur vivant plutôt qu’avec un donneur décédé de mort cérébrale ou autre. Et là également, on sait que les transplantations avec donneur vivant donnent de bien meilleurs résultats que celles effectuées à partir d’un rein cadavérique.

     

    Et puis on peut aussi considérer que le temps passé en dialyse est un facteur de médiocre pronostic de la greffe car la dialyse est un traitement très efficace et qui donne d’excellents résultats, mais il est établi aussi qu’avec le temps, la dialyse s’accompagne de complications qui surviennent progressivement mais inéluctablement, en particulier les complications cardio-vasculaires.

    .

    Un malade qui passe plusieurs années en dialyse peut développer des calcifications vasculaires ou des problèmes cardiaques, ainsi que de très nombreux autres effets secondaires. Ceci peut expliquer qu’une fois transplanté, la survie du greffon soit moins longue. Il faut bien entendu prendre tout cela avec précaution sachant que normalement des études montrent qu’une transplantation préemptive ou après 6 mois de dialyse c’est à peu près la même chose. Globalement, l’idée est qu’il faut faire la transplantation le plus vite possible. Mais bien entendu s’il y a besoin de dialyser le patient c'est pendant quelques mois avant la transplantation qu'il faut le faire et les conséquences potentielles évoquées précédemment n’auront guère le temps de se manifester.

     

    Suivant les recommandations de la Société Française de Néphrologie, l’inscription sur la liste nationale d’attente (LNA) à la greffe s’effectue lorsque la clairance de la créatinine devient inférieure à 20 ml/min, ce qui correspond à une capacité de 20 % de la fonction rénale, sachant que c’est entre 15 et 10 % de la fonction rénale que l’on choisit le moment où on doit débuter la dialyse. En conséquence l’inscription sur la liste de greffe au seuil de 20 % nous donne quelque mois pour préparer la greffe avant d’atteindre le seuil de la dialyse. Il y a aussi un facteur très important à prendre en compte, c’est la vitesse de détérioration du rein. Vous avez des patients à 20 % mais qui vont mettre plusieurs années pour arriver à 15% et d’autres qui ne mettront qu’un an, voire quelques mois.

     

    La situation idéale est donc celle où l’inscription sur la liste d’attente à la greffe est actée avant la phase de démarrage de la dialyse afin de disposer d’un créneau de quelques mois au moins pour préparer la greffe. Il est évident que s’il y a un donneur vivant le processus est beaucoup plus simple à gérer; on inscrit le patient sur la liste et on le suit régulièrement en consultation clinique. Quand on juge que sa fonction rénale nécessite une intervention, au lieu d’envisager le passage en dialyse, on envisage la transplantation. Quand le patient n’a pas de donneur vivant et qu’il faille envisager une greffe cadavérique, la greffe préemptive à partir de 20% n’est pas automatique; là encore la vitesse de dégradation sera prise en compte dans la définition de l’urgence. Lorsqu’un greffon potentiel est disponible, il se peut aussi que la greffe soit refusée au profit d’un receveur dialysé qui serait plus prioritaire.

     

    Sachant également que le coût d’un patient greffé est moindre comparé à celui d’un patient dialysé, ajouté au confort de vie retrouvé sans les effets secondaires des dialyses (certains étant à morbidité élevée), il va de soit que la greffe préemptive doit être envisagée le plus souvent possible. C'est aussi pour cela que le don du vivant doit être encouragé. (source : Par Marc Multignier, vendredi 7 mars 2014)

     


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  • Voici une histoire vécu aux urgences

     On sait tous que les hôpitaux doivent jongler avec le sous-effectif et les restrictions budgétaires. Que, au moins, en France, on peut se faire soigner. N'empêche. Pour ce qui est du traitement de la douleur et de la prise en charge de patients qui n'ont pas fait médecine, il y aurait sûrement des progrès à faire.

     

    Je ne suis allée aux urgences qu'une fois dans ma vie, pour un doigt salement entaillé en faisant la vaisselle –blessure qui m'a value beaucoup de moqueries et deux points de sutures. Je ne me suis jamais imaginée y remettre les pieds à moins d'avoir le bras coupé par une tronçonneuse ou de faire un AVC en pleine rue, et je ne fais pas partie de ces gens qui pensent qu'on va aux urgences dès qu'on a le moindre bobo, mais il y a quelques semaines, j'ai malheureusement dû y retourner après avoir été prise par des sortes de contractions insoutenables au flanc gauche (oui, j'aime penser que j'ai un flanc, comme ces magnifiques animaux que sont les équidés).

    Verdict: coliques néphrétiques. Pour faire simple, j'avais ce qu'on appelle un calcul rénal, un petit caillou ou une sorte de sable qu'on appelle lithiase qui passe lentement (ou pas justement) le long de l'uretère jusqu'à la vessie en te faisant te rouler par terre de douleur. Ma mère m'a toujours dit qu'elle préfèrerait accoucher de nouveau sans péridurale plutôt que d'avoir une autre fois dans sa vie des coliques néphrétiques. Je n'ai jamais accouché, mais je veux bien y croire tellement j'ai douillé. Bref.

    Après un premier passage de SOS Médecins et une piqûre de morphine, j'ai fini, le lendemain, par appeler le Samu pour la première fois de ma vie, étant comme qui dirait dans l'incapacité de marcher et proche de la défenestration tant mon rein me lattait la gueule, le bâtard. Précision: les douleurs ne s'arrêtent jamais, elles s'intensifient, irradient dans le dos et le ventre jusqu'au sexe.

    Un tour en ambulance plus tard, me voilà aux urgences.

    On ne va pas faire de lieux communs sur les urgences: on a tous un pote, une connaissance, un grand-oncle qui y bosse ou y est passé, et qui nous a déjà exposé tous les travers de la structure. Oui, c'est parfois le gros bordel. Oui, on attend parfois très longtemps pour se faire recoudre. Oui, les médecins sont en sous-effectifs. Et oui, il y a des restrictions budgétaires démentes puisqu'on considère maintenant que l'hôpital est une entreprise comme une autre qui doit être rentable.

    Je suis par ailleurs totalement consciente qu'on a un système de santé qui peut être tout à fait génial dans la mesure où, en train de crever dans mon lit, thunes ou pas, j'ai pu appeler un hôpital qui est venu me chercher chez moi pour voir pourquoi j'avais l'impression qu'un rat faisait un cours de samba avancé dans mon rein.

    Je tiens seulement à parler de l'absurdité de la prise en charge des patients et de la douleur. Et du fait que globalement, en tant que patiente non-médecin ou liée au milieu médical et donc plutôt impressionnée par le fait de se retrouver dans un service d'urgences du jour au lendemain, j'ai trouvé les quelques heures que j'ai passé là-bas particulièrement surréalistes.

    Mettons-nous en situation: je suis sur un brancard à me tordre dans tous les sens pour essayer d'oublier que j'ai très mal (c'est impossible). On me prend mes constantes, on me pose tout un tas de questions et on m'emmène dans un box pour voir un médecin. Là, une infirmière débarque, me pique le bras et me tend un pot en me disant qu'il faut aller pisser dedans. Je la regarde. Elle me regarde. Je dis que je ne peux pas marcher. Elle dit qu'il faut aller pisser dans la boîte. Je demande où sont les toilettes. Elle me dit qu'elles sont «troisième couloir porte de droite, pas loin mais pas tout à fait à côté non plus». Je dis que j'irai plus tard.

    Un médecin vient, m'examine et dit à l'infirmière de me mettre sous perf de paracétamol. A ce stade, et après un shoot d'antalgique puis de morphine la nuit précédente qui ne m'ont soulagée que quelques heures, me donner du paracétamol me semble aussi judicieux que de soigner une tumeur au cerveau avec de l'homéopathie, mais je ne suis pas médecin, hein.

    On me parque dans une grande pièce, entre un ex-toxico qui a mal aux dents et s'assoie à côté de moi par terre en caleçon en hurlant et une mamie démente qui a appelé le 15 pour avoir un peu de compagnie. La perf passe. Je tente la position assise, puis debout pour aller pisser dans le bocal. Je demande si on peut m'aider. On me dit que les toilettes sont là-bas, «mais si regardez, là-bas». Je ne sais pas si vous avez déjà essayé d'aller aux toilettes avec une perf sur roulettes et un bras en moins, mais je vous garantis que ce n'est pas le truc le plus évident que j'ai eu à faire de ma vie. Dans ces conditions, devoir pisser dans un bocal de dix centimètres de diamètre revient pratiquement à tenter de récupérer dans sa bouche un M&Ms lancé de la Station spatiale internationale.

    Concrètement, je me pisse sur les mains et sur le siège d'une propreté douteuse. Il n'y a pas de papier, plus de savon et les toilettes ressemblent à celles d'un collège après le repas de midi, ce qui est, admettons, tout à fait acceptable pour un collège, pas pour les urgences.

    Je vacille, sonnée par le manque de sommeil et les restes de morphine et me demande ce qui se passerait si je perdais connaissance sur la cuvette des chiottes. Plutôt crever que d'être retrouvée morte dans des toilettes. Je reprends ma respiration et sort, la perf dans une main, mon pipi dans l'autre, pendant qu'une gentille dame en civil me tient la porte.

    Je cherche quelqu'un en vert à qui confier mon précieux pipi. Quatre infirmiers sont derrière un comptoir.

    «Excusez-moi...»

    On me dit de patienter. Dix minutes plus tard, toujours vacillante, je tente un «j'ai mon analy...» mais je suis coupée par un des infirmiers qui me dit d'attendre. Après avoir assisté à la mauvaise narration d'une scène de vacances d'une de ses collègues, il prend enfin mon pipi et je peux repartir sur mon brancard en évitant de m'effondrer au milieu de la pièce.

    Je suis prise de nouvelles douleurs atroces. Je tiens cinq, dix minutes, mais ce n'est pas supportable. Je me tords comme un ver coupé quand je trouve assez d'énergie (et de voix) pour interpeller une infirmière et lui signifier par onomatopées que j'ai très mal. Elle me regarde avec mépris et me dit «oh ça va hein». Je précise que ce jour-là, les urgences ne sont pas bondées. Rien à voir avec un épisode d'Urgences où un car de touristes vient de brûler dans le feu d'une cantine scolaire causé par le crash d'avion d'une équipe de rugby tétraplégique. Il y a quelques médecins et internes et plusieurs infirmiers qui vont et viennent, me semble-t-il sans but.

    Vingt minutes s'écoulent. Une deuxième infirmière finit par me dire que quelqu'un va venir me mettre une perf d'antalgiques. Je suis en larmes, pas loin de me faire une ablation du rein au couteau suisse quand elle revient, s'approche de moi, mais préfère finalement retourner vers ses collègues pour rigoler de je ne sais quoi de très marrant.

    Une heure au moins après avoir prévenu la première infirmière, on me fait enfin une perf d'antalgiques de cheval.

    La douleur passe enfin. Je retrouve un visage à peu près normal, quand une interne vient me voir pour me dire que mes résultats d'analyse d'urine sont arrivés et que j'ai peut-être une infection. J'ai une infection ou je n'ai pas d'infection, je n'ai pas «peut-être une infection».

    «On teste d'autres marqueurs et on voit ce que ça dit.»

    Je n'ai aucune idée de ce que ça veut dire, mais d'accord. Entre temps, une de mes amies arrive pour me tenir la main, faire des blagues sur Urgences justement (pas de blagues sur Grey's Anatomy étonnamment) et m'apporter des petits livres dont un judicieusement intitulé Madame Malchance.

    L'interne revient une heure plus tard pour me dire qu'il n'y a pas d'infection, ce qui, en soit, est une bonne nouvelle. Elle me tend tout un tas de papiers, une ordonnance d'antalgiques et une prescription pour aller faire une échographie du rein «en ville» comme ils disent –prescription que j'avais déjà eu de la part de SOS la veille.

    Il faut évidemment souligner une petite chose ici: l'hôpital dans lequel je suis est spécialisé en urologie. En urologie. La science du pipi. Le pipi par lequel passe les calculs. Calculs que, a priori, j'ai. On mettra la prescription d'écho «en ville» sur le compte des restrictions budgétaires, des «procédures» et la non-disponibilité du médecin sur le compte de Mark Zuckerberg et de Facebook sur lequel elle avait apparemment beaucoup de choses à raconter ce jour-là.

    Ma pote, qui n'est pas médecin, mais semble être celle de nous deux à qui il reste le plus de conscience à ce moment-là –mon cerveau n'est obnubilé que par deux choses: la douleur et le fait qu'elle puisse revenir– glisse un «mais là, vous l'avez soulagée provisoirement, mais ça ne règle pas le problème». L'interne fait une jolie pirouette et dit qu'il faut attendre les résultats définitifs de mon pipi et de l'écho pour voir ce que j'ai vraiment. Puis elle finit par accepter de m'arrêter pour que je puisse aller faire mon examen et me reposer après deux jours sans sommeil –je reprenais le travail lundi, hein. Elle m'arrête royalement... un jour.

    Mon calcul, ma pote et moi rentrons en métro (comment font les gens qui n'ont ni potes, ni famille?) et passons chercher mes médicaments. La douleur se calme un peu pendant un jour et demi (comprendre pas de méga-crises). Je pars le dos un peu courbé sur mes petites jambes faire mon échographie «en ville». J'appelle pour avoir mes résultats de pipi en rentrant –«on ne les donne qu'en mains propres», me dit-on, ce qui est, ma foi, hautement pratique– et je tente de rattraper les 48h de sommeil que j'ai en retard, sans succès.

    Lundi soir, minuit: nouvelle crise. Roulage par terre, pleurs, SOS, morphine. Six heures du matin, rebelote. Au pic de la crise, alors que j'ai l'impression de devenir complètement folle, je craque et rappelle le 15 en haletant comme un teckel. Un autre ami me trouve hagarde, le cheveu hirsute, en larmes et en position foetale, dans le couloir de mon appartement. Ambulance, brancard, urgences.

    C'est donc la deuxième fois en quatre jours que je me retrouve là, et cela fait maintenant cinq jours que la douleur persiste. La prise en charge est la même, le service n'est toujours pas débordé, il y a même plus de médecins que la dernière fois.

    On me parque dans un box. J'y passerai les trois prochaines heures sans voir qui que ce soit. La douleur s'est un peu calmée, mais m'a tellement épuisée que je suis vaguement consciente de ce qui se passe. Je somnole, continue de me tordre quand les coups de couteau reviennent de temps en temps, et attend. Longtemps donc. Une infirmière vient me voir pour me dire de pisser dans le fameux bocal. Je n'ai pas la force de discuter.

    Je me traîne, me re-pisse sur les mains et m'écroule de nouveau sur le brancard.

    Une interne vient, me tripote vaguement et me pose les questions habituelles. Je précise que j'ai déjà eu deux pyélonéphrites (infections du rein). Elle me demande quand.

    «Une l'année dernière et une quand j'étais petite.

    — Quand?

    — J'en sais rien, 6, 7 ans peut-être.

    — Quel rein?

    — Le droit la première fois. La deuxième, je ne sais pas.

    — Comment ça vous ne savez pas?, me balance-t-elle avec l'amabilité d'une porte de cimetière.

    — On n'a pas su.

    — Ah ouais, ok, super.»

    Elle repart dans son box rejoindre ses collègues avec la tête d'une meuf soulée d'avoir dû affronter le huitième mec lourdaud de la soirée d'intégration.

    Une senior finit par venir. La senior, c'est un peu la méga boss des petits internes et je me dis qu'elle va enfin capter que ça ne va pas du tout, et qu'il faudrait peut-être chercher pourquoi ça ne va pas plutôt que me cartonner la tête d'antidouleurs jusqu'à la prochaine crise.

    Elle me dit qu'elle m'a déjà vu samedi. Je dis que non. Elle dit que si. Je souffle que non. Elle dit qu'elle était de garde samedi, que je n'ai pas pu sortir sans qu'elle signe mon truc de sortie. Je dis que mon truc de sortie n'est pas signé. Elle fait la moue, quitte la pièce, puis revient dans l'entrebaillement de la porte:

    «Vous voulez peut-être un truc pour soulager la douleur?»

    Bah non, je suis là dans le cadre d'un spectacle de théâtre vivant, le reste de ma troupe est en neurologie! Elle me met sous perf d'Acupan (un analgésique de palier 1) et se barre.

    On me re-parque au même endroit que l’avant-veille, avec une autre vieille démente et un autre ex-toxico. Mes résultats d’urine reviennent: j'ai donc bien une infection cette fois-ci. C'est con, on ne l'avait pas vu parce que les urgences m'ont assommée d'anti-inflammatoires trois jours auparavant, lesquels ont masqué la fièvre.

    La sympathique interne revient. Je ne comprends rien à ce qu'elle me dit tellement mon cerveau ne filtre plus les informations.

    Je capte quand même qu'elle me prescrit des antidouleurs plus forts que ceux qu'on m'avait prescrit avant, des antibiotiques –«un peu au pif parce qu'il faut attendre qu'on mette vos urines en culture pour savoir de quel germe il s'agit et quels antibios utiliser»– et un uroscanner à faire, je vous le donne dans le mille, «en ville», prescription que j'avais là encore déjà, merci, depuis la veille au soir via SOS.

    Au vu des trente-sept ordonnances identiques que j'ai eu pour mon rein par quatre médecins différents, j'en déduis qu'un nombre incalculable d'arbres ont été abattus pour rien pendant ces cinq jours.

    Je redis à l'interne que j'ai quand même des antécédents bétons, que ça m'inquiète un peu, mais ça n'a pas l'air de la perturber puisqu'elle finit même par me dire:

    «On va attendre que la perf finisse de passer et puis vous pouvez y aller.»

    Je soulève un sourcil. Elle répète:

    «Il faut que vous partiez après.»

    Je glisse un:

    «Mais... comment ?»

    Elle semble indiquer mes jambes.

    #Pointgêne: je suis pliée en deux depuis cinq jours, je n'ai pratiquement pas dormi et encore moins mangé depuis le même laps de temps. Je suis incapable de marcher plus d'un mètre sans avoir mal. Mes yeux se ferment tout seuls d'épuisement. Le teint de mon visage est dans les gris, gris clair. Et surtout, j'ai dans le corps des restes de 20mg de morphine, d'anti-inflammatoires et d'antidouleurs divers et variés, et une perf d'Acupan. Et elle veut que je rentre chez moi. Seule. En métro.

    Heureusement pour moi, j'ai des amis (supers) et je peux financièrement me permettre de payer un taxi. Je me demande bien comment j'aurais fait dans le cas contraire. Hé les urgences, si je me prends un bus en sortant de chez toi sous analgésiques, t'es responsable non?

    Ma pote arrive. Pas de bol pour la charmante interne: celle-ci est interne également et cherche à comprendre un peu le diagnostic. Elle demande comment on peut être sûrs que ces antibios vont contrer l'infection. On ne peut pas. J'apprendrais plus tard, enfin prise en charge par mon médecin traitant de province-que-j'aime-si-fort-<wbr />jusqu'au-ciel, que:

    • 1/ il fallait, dans le doute, en attendant les résultats et pour éviter une nouvelle pyélonéphrite et/ou une septicémie, me faire une piqûre de Rocéphine, antibio peu utilisé et donc contre lequel la plupart des germes ne résistent pas;
    • 2/ mon prélèvement urinaire n'était pas exploitable puisque mal réalisé (voir plus haut), que le médecin l'a su tout de suite puisque c'est écrit dans mon bilan de sortie, mais que plutôt que de m'en refaire faire un autre, ils ont tout simplement préféré partir du principe qu'une fois dehors, c'était mon problème, plus le leur, et que moi, mes germes et mes calculs, on irait bien pisser là où ça nous chanterait.
    • Framboise sur le muffin, la jeune femme a refusé de m'arrêter alors que je reprenais le travail le lendemain sous prétexte qu'on «ne fait pas d'arrêt préventif». Préventif de quoi, on ne le saura jamais.

      Je suis repartie, brinquebalante, chez moi avec ma pote qui m'a prise en charge jusqu'à ce que mes parents arrivent le lendemain pour me ramener à la maison –pas à Paris– et m'emmener voir un médecin ami de la famille qui ne me regarderait pas comme si la seule chose que j'avais trouvé à faire cette semaine, c'était de m'inventer une maladie du rein pour aller faire chier le service des urgences le plus proche. Et empêcher les infirmières de raconter leurs vacances tranquillement. C’est en effet tout de même plus marrant que de relire la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé qui reconnaît le soulagement de la douleur comme un droit fondamental.


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